Solaire : l'Europe ouvre les hostilités contre la Chine

Publié le par DA Estérel 83

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Bruxelles va enquêter pour savoir si Pékin fait du dumping pour dominer un marché dont la croissance ralentit

    L'Italie et l'Allemagne, premiers marchés du photovoltaïque
 Panneaux L'électricité solaire photovoltaïque est produite par des modules (ou panneaux) composés de cellules fabriquées à partir de galettes de silicium (appelées " wafers ").
 Puissance 28 gigawatts (GW) de capacité solaire photovoltaïque ont été installés dans le monde en 2011. Un chiffre en progression de 77 % par rapport à 2010. La Chine a produit environ 80 % de ce matériel.
Marché L'Europe est le premier marché du solaire, avec 22 GW connectés en 2011, devant la Chine (2,2 GW) et les Etats-Unis (1,9 GW). L'Italie est en tête (9,3 GW), devant l'Allemagne (7,5 GW) et la France (0,8 GW).

La Commission européenne a déterré la hache de guerre commerciale contre la Chine. Motif du conflit : les conditions de production des panneaux solaires chinois. Le Journal officiel des Communautés européennes a annoncé, le 6 septembre, l'ouverture d'une " procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires de la République populaire de Chine ".

Une enquête va être menée pendant quinze mois, afin de déterminer si ces produits sont vendus à un prix inférieur à leur coût de production. La Commission pourra prendre des mesures provisoires, sous forme d'augmentation des droits de douane, d'ici à neuf mois.

Bruxelles répond ainsi à une plainte déposée fin juillet par EU ProSun, un groupe d'industriels du secteur photovoltaïque européens. Au printemps, une plainte similaire aux Etats-Unis a conduit Washington à imposer, en mai, des droits de douane allant de 31 % à 250 % sur les panneaux solaires chinois.

L'affaire prend désormais une autre dimension : l'Europe représente de loin le premier marché mondial du solaire, avec 75 % des 30 gigawatts (GW) de nouvelles capacités installées en 2011, selon EPIA, l'association européenne de l'industrie photovoltaïque.

Or, selon Milan Nitzschke, porte-parole de EU ProSun, " le marché européen s'est développé rapidement depuis 2009. Mais les Chinois sont passés en trois ans de 63 % à 80 % de parts de marché, en vendant leur matériel en dessous des coûts de production ". L'industrie chinoise a accru très fortement ses capacités de production, avec le soutien du gouvernement. Son potentiel atteint 45 GW, alors que le marché intérieur ne représente que 2 GW. Seule solution : exporter à outrance. Le volume des exportations solaires vers l'Europe dépasse les 20 milliards d'euros par an, ce qui fait de la procédure engagée le litige commercial le plus important impliquant la Chine.

Cette crispation vient de ce que la croissance mondiale de la consommation de panneaux solaires s'est fortement ralentie depuis un an, notamment parce que les Etats européens ont diminué les tarifs de rachat de l'électricité solaire. Les industriels chinois souffrent aussi de la crise. Mais selon EU ProSun, Pékin et les gouvernements régionaux sauvent leurs entreprises de la faillite en les subventionnant de diverses manières. Les entreprises chinoises parviennent à survivre, quand de nombreux industriels européens font faillite, comme Q Cell (racheté en août par le groupe sud-coréen Hanwha) ou, voici dix jours, une autre entreprise allemande, Sovello.

Les enquêteurs de la Commission tenteront donc avant tout de vérifier si les produits chinois sont vendus à perte ou non. Ils procéderont par le biais de questionnaires auprès des industriels des différents pays et des autorités de Pékni, ainsi que, sans doute, par des visites de terrain.

Le gouvernement chinois a tenté par diverses pressions d'empêcher l'ouverture de la procédure européenne. Le sujet a été évoqué la semaine dernière lors de la rencontre entre la chancelière allemande, Angela Merkel, et Wen Jiabao, le premier ministre chinois. Et le 5 septembre, le ministère chinois du commerce, cité par le China Daily, a indiqué que des mesures de rétorsion pourraient être prises contre les vins européens et les exportations allemandes de silicium polycristallin (la matière première des cellules solaires, que la Chine doit importer à environ 50 % de ses besoins).

A la suite de la mesure antidumping prise par les Etats-Unis, la Chine a lancé une enquête sur les exportations de silicium polycristallin par ce pays, qu'elle estime également relever du dumping.

Un groupe chinois du photovoltaïque, Jinglong, évoque aussi dans le China Daily les émeutes que pourrait déclencher, parmi ses 30 000 employés, le chômage provoqué par une fermeture attribuée à des mesures européennes. En août, c'est le groupe Yingli, un leader du secteur, qui avait annoncé que des mesures européennes pourraient faire perdre 300 000 à 500 000 emplois en Chine.

Tout le secteur européen ne soutient cependant pas la procédure initiée par EU ProSun, notamment les installateurs, qui achètent les panneaux à moindre coût. Pour Arnaud Mine, président de la commission solaire du Syndicat des énergies renouvelables (SER), " le photovoltaïque doit avoir le prix le plus bas possible. Pour survivre face aux concurrents chinois, il faut développer les innovations dans les autres secteurs du marché, tels les logiciels et les autres équipements des centrales solaires ".

Plutôt que la voie antidumping, le SER propose de moduler le tarif de rachat de l'électricité solaire. Il s'agirait d'instaurer un tarif à plusieurs paliers, d'autant plus élevé que les composants utilisés par les installations solaires seraient fabriqués en Europe. La proposition a été transmise au gouvernement.

Mais, selon M. Nitzschke, " la compétition et l'innovation sont normales, et les prix du solaire vont continuer à baisser. Mais on ne peut pas laisser se poursuivre la tendance actuelle, qui conduit à la ruine de l'industrie européenne. Cela conduirait à un monopole chinois, qui augmenterait alors les prix. Il faut rétablir une compétition loyale ". La balle est dans le camp de la Commission européenne.

Hervé Kempf

Publié dans Economie

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