Sarkozy/Kadhafi: le parquet demande l’audition de l’ex-premier ministre libyen

Publié le par DA Estérel 83

01-Mediapart

 

 

L’affaire Sarkozy/Kadhafi rebondit sur le terrain judiciaire. Le parquet de Paris a sollicité l’entraide internationale avec la Libye afin que l’ancien premier ministre libyen, Baghdadi al-Mahmoudi, soit entendu à Tripoli sur les soupçons de financement occulte de Nicolas Sarkozy par le régime Kadhafi en 2007, selon plusieurs sources proches de l’enquête.

La demande d’entraide a été envoyée par le parquet de Paris aux autorités libyennes dans les jours qui ont suivi l’extradition, le 24 juin au petit matin, de M. Baghdadi en Libye. L’ex-chef du gouvernement libyen était jusqu’alors détenu en Tunisie. Le parquet avait déjà formulé une telle demande auprès des autorités tunisiennes, mais celle-ci avait été rendue caduque dès l’arrivée de M. Baghdadi à Tripoli.

Baghdadi al-MahmoudiBaghdadi al-Mahmoudi© Reuters

Les diligences du parquet de Paris ont été réalisées dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte après la plainte pour « faux » déposée par Nicolas Sarkozy contre Mediapart, qui avait répliqué en déposant plainte à son tour contre l’ex-chef de l’Etat pour « dénonciation calomnieuse ». 

Le 28 avril dernier, Mediapart avait révélé un document officiel libyen faisant état de la promesse d’un versement de 50 millions d’euros à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007 de M. Sarkozy (voir ici). D’après cette note datée de décembre 2006, l’opération avait été supervisée par le Comité populaire général, soit le gouvernement libyen, dont M. Baghdadi était alors le chef.

Les enquêteurs de la police judiciaire ont entendu il y a quelques jours l’ancien ministre Brice Hortefeux, cité dans le document, comme l’a rapporté RTL.

A deux reprises, les avocats de Mediapart, Mes Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman, ont écrit au procureur de la République de Paris pour lui demander que M. Baghdadi, témoin clé des relations secrètes entre la France et la Libye entre 2005 et 2011, soit entendu par la justice française (voir ici). Pour cause : de nombreux avocats tunisiens de l’ancien chef du gouvernement libyen (Mes Korchid, Bouaouaja, Ben Othmane et Essid) ont confirmé publiquement ces dernières semaines que leur client avait évoqué avec eux l’existence d’un financement occulte de M. Sarkozy en 2007.

Des remises d'argent à Genève

 

© Reuters
« Mouammar Kadhafi, son régime et les responsables qui travaillaient avec lui ont financé la campagne électorale de Sarkozy en 2007 », avait ainsi déclaré le 3 mai, au nom de M. Mahmoudi, MeBechir Essid. Selon cet avocat, l'ex-premier ministre libyen avait déclaré que « le marché a été conclu par Moussa Koussa (ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye - NDLR) sur instruction de Kadhafi et assuré que des documents attestant de la transaction existent ». Une somme de 50 millions d’euros avait été également avancée par l’avocat, ancien bâtonnier du barreau de Tunis.

 

Le 25 octobre 2011, M. Baghdadi avait en outre affirmé devant la cour d'appel de Tunis avoir lui-même « supervisé le dossier du financement de la campagne de Sarkozy depuis Tripoli », comme l’ont rapporté plusieurs de ses conseils à Mediapart et à l’AFP (voirici).

« Baghdadi Ali al-Mahmoudi a dit avoir remis à une délégation française envoyée par Sarkozy de l’argent, beaucoup d’argent, des millions d’euros en liasses de billets, avait aussi expliqué Me Slim Ben Othman. Il a des documents comptables. On ne remet pas des millions d’euros sans aucune signature. Il garde en mémoire les prénoms de la délégation française. » Les remises d’argent auraient eu lieu à Genève. Slim Ben Othman se dit aujourd’hui à la disposition de la justice française. Selon lui, l’ancien premier ministre libyen détient de nombreux documents, placés en lieu sûr.

Depuis sa prison de Tripoli, où il est détenu par les nouvelles autorités libyennes dans l’attente d’un procès en raison de ses liens avec l’ancien régime, M. Baghdadi s’est montré prudent devant quelques journalistes conviés pour une conférence de presse, ce 3 juillet. « Kadhafi est parti, Sarkozy est parti. L'affaire est maintenant devant la justice française. Je ne peux rien dire. Je ne confirme pas et je ne démens pas », ­a-t-il déclaré en réponse à une question posée sur les soupçons de financement occulte de Nicolas Sarkozy.  

Deux jours avant l'extradition de M. Baghdadi en Libye, son avocat français, Marcel Ceccaldi, avait pris attache avec le juge Renaud Van Ruymbeke, magistrat en charge de l’instruction de l’affaire Takieddine, pour lui dire que son client avait des révélations à faire. Selon l'avocat, « il allait être amené à parler des financements des campagnes électorales et des questions d’enrichissement personnel ». La justice française veut désormais coucher ces confidences explosives sur procès-verbal. 

Publié dans Affaires

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