Après les scandales DSK et Tron La suppléante de Balkany dénonce ses «avances»

Publié le par DA Estérel 83

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Au début, elle a «eu droit à des réflexions pas méchantes comme “Oh, tu es jolie aujourd'hui”, “tu as de beaux yeux”». Puis les avances se sont faites plus pressantes: «Tu sais que tu me plais» ; ou encore «De toute façon, un jour, tu finiras dans mon lit». Jusqu'au jour où il lui demande de «passer à la mairie» car il est «tout seul» et qu'«Isabelle (sa femme) n'est pas l໫«J'ai toujours refusé ses avances (...) mais rien ne l'arrête, il tente toujours sa chance. (...) J'ai compris qu'il n'envisageait la relation avec sa suppléante qu'en version allongée. C'était très clair. Je regrette qu'on ait jamais eu de discussions sérieuses. C'est insultant.»

En pleine affaire Strauss-Kahn, et alors que Georges Tron, accusé d'agressions sexuelles et de viol, vient de démissionner du gouvernement, l'ancienne championne olympique de judo Marie-Claire Restoux confirme à Mediapart la raison principale de sa volonté de quitter son poste de suppléante, en mars 2010: la lassitude par rapport aux «avances» répétées de son député, Patrick Balkany, également maire de Levallois (Hauts-de-Seine). 

Une raison qui contraste avec celle, plus politique, évoquée dans un premier temps dans sa lettre de démission à Bernard Accoyer, le président de l'Assemblée. «Trop de sujets de désaccords nous séparent», écrivait l'élue UMP de Clichy dans un courrier du 29 mars 2010 (lire la lettre ici). Avant d'évoquer, deux semaines plus tard, sur RMC, les «avances» répétées de Patrick Balkany.

 

Contacté par Mediapart, Patrick Balkany n'a pas souhaité répondre à nos questions et explique, par le biais de son attachée de presse, que «cela fait plusieurs années qu'il n'a pas vu Marie-Claire Restoux, qu'il n'a aucune envie de parler d'elle et qu'elle est complètement folle». L'année dernière, il n'avait pas réagi, faisant savoir, par le biais du “off”, que sa suppléante était «gentille» mais «neuneu».

Le témoignage de Marie-Claire Restoux fait en tout cas écho au scandale qui avait touché, en 1996, l'ami de trente ans de Nicolas Sarkozy: une jeune femme l'avait accusé d'un viol qui aurait été commis sous la menace d'une arme à feu, avant de retirer finalement sa plainte. Patrick Balkany n'avait alors pas effectué une minute de garde à vue (lire notre article du 18 maiet l'article de l'époque dans Libération).

Il s'ajoute également aux condamnations du député UMP et maire de Levallois: quinze mois d'emprisonnement avec sursis, 200.000 francs d'amende et deux ans d'inéligibilité pour avoir payé trois de ses employés de maison sur la caisse de la mairie, et avoir été plusieurs fois épinglé pour sa gestion de Levallois (lire notre article du 18 février 2010, le portrait duMonde du 31 mars 2008 et celui de Libération du 30 janvier 2010). 

«J'espère que (mon témoignage) peut donner l'occasion à d'autres femmes de s'exprimer dans des affaires de mœurs», explique aujourd'hui l'ancienne judokate dans un entretien à Mediapart.

Mediapart: Comment avez-vous été amenée à travailler avec Patrick Balkany?

Marie-Claire Restoux: J'ai intégré le club de judo de Levallois en 1991, j'ai fait ma carrière de sportive là-bas. Je suis quelqu'un d'engagé, j'étais dans le comité de soutien à Jacques Chirac. Fin 2000, Patrick Balkany est venu me voir pour m'engager sur sa liste (sans étiquette) pour les municipales de 2001. Ma condition, c'était de servir à quelque chose, de ne pas être «la sportive» sur sa liste. Il m'a placée troisième de liste, derrière sa femme Isabelle et lui.

 «Isabelle n'est pas là, ce serait bien que tu passes»

Vous connaissiez sa réputation, les affaires pour lesquelles il avait été condamné?

Je ne le connaissais pas bien, j'étais au courant de l'affaire des employés communaux (Ndlr: trois de ses employés de maison ont été payés sur la caisse de la mairie). Je n'avais pas chercher à creuser, je savais qu'il avait toujours soutenu le sport. Je ne voulais pas me faire juge avant l'heure. On a été élus en mars 2001. En juillet 2002, son élection a été invalidée (Ndlr:par le conseil d'Etat), je ne suis pas repartie avec la nouvelle liste. Je suis devenue conseillère sport de Chirac à l'Elysée.

Comment s'est déroulée cette année à la mairie avec Patrick Balkany?

Il voulait m'imposer mon directeur de cabinet, j'ai insisté pour le choisir moi-même, c'était ma condition. Au début j'ai eu le droit, comme toutes les femmes de son équipe j'imagine, à des réflexions pas méchantes comme«Oh tu es jolie aujourd'hui», «tu as de beaux yeux», «tu as de beaux cheveux». Puis, régulièrement, c'est devenu: «Tu sais que tu me plais». Jusqu'au jour où, lors d'un déjeuner au printemps 2002 avec d'autres conseillers municipaux dans la salle à manger de la mairie, il me dit: «De toute façon, un jour, tu finiras dans mon lit.» Je ne sais pas si les autres élus ont entendu. Je lui ai répondu: «Ecoute on verra bien, tu as le droit de rêver!» J'ai toujours refusé ses avances, il savait que j'étais mariée, il connaissait mon mari, mais rien ne l'arrête, il tente toujours sa chance, c'est quelqu'un d'assez cash.

En 2007, vous devenez tout de même sa suppléante sur la circonscription de Levallois-Clichy.

Pendant cinq ans, on s'est un peu perdus de vue. En 2007, il est revenu vers moi pour me demander d'être sa suppléante pour les législatives de juin. J'habitais Clichy, je voulais m'y engager politiquement, je me suis dit que ça me mettrait le pied à l'étrier, donc j'ai accepté. Nous avons été élus. Un jour il me dit: «Tu ne veux pas passer à la mairie, je suis tout seul.» J'ai prétexté que j'étais très occupée.

Qu'est-ce qui a déclenché votre volonté de démissionner au printemps 2010?

Il y a un an, il y a eu la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Un samedi, on se voit à notre permanence de Clichy, je lui parle de sujets qui touchent à la ville et me paraissent importants. Il s'en fichait royalement. Il disait: «Tu es mignonne», «Tu sais que tu me plais», «Cet après-midi je suis tout seul à la mairie, Isabelle n'est pas là, ce serait bien que tu passes». Là, ça m'a profondément énervée parce que: 1) J'avais déjà refusé quinze fois ses avances, en disant sur le ton de la rigolade, «arrête de rêver, tu sais que c'est pas possible entre nous, non c'est non». 2) Je lui parlais de choses importantes sur la ville, il ne répondait pas.

J'ai compris qu'il n'envisageait la relation avec sa suppléante qu'en version allongée. C'était très clair. Je regrette qu'on ait jamais eu de discussions sérieuses. Il n'a jamais rien fait pour Clichy, c'est de notoriété publique, ce n'est pas un bon député. C'est ce comportement, lié à la volonté de ne rien faire à Clichy, qui a motivé ma lettre de démission à Bernard Accoyer. Puis j'ai décidé de le dire un peu plus fort, dans les médias.

Quelles ont été les réactions des Balkany et de l'UMP? 

Patrick Balkany ne répond jamais, c'est toujours sa femme qui monte au créneau. Elle m'a insultée dans les médias, traitée de «schizophrène». Depuis on se serre la main (avec Patrick Balkany - ndlr), ça s'arrête là. Quant à ma famille politique, elle ne s'est absolument pas exprimée là-dessus: on ne touche pas à l'ami du président...

Avez-vous voulu porter plainte?

 

Je ne vais pas porter plainte, il ne m'a pas sauté dessus ou violé. C'est quelqu'un qui a les mains baladeuses, mais pas avec moi. D'ailleurs, ses avances avec moi étaient toujours dites à l'oral, jamais à l'écrit. Mais ce que j'ai voulu mettre en évidence, c'est que ce ne sont pas les relations que j'ai envie d'avoir avec mon député, c'est insultant.

Désaccords politiques

Vous étiez tête de liste UMP aux municipales de 2008, à Clichy. Les Balkany vous accusent de vouloir vous venger de votre votre défaite.

Si j'avais gagné en 2008 en arrivant tout juste à Clichy, cela aurait tenu du miracle! Donc je ne comptais pas là-dessus. Mais la droite avait fait de bons scores, et j'avais proposé, au deuxième tour, au divers droite Rémi Muzeau (Ndlr: l'ancien suppléant de P. Balkany), de faire alliance. Il avait refusé. La démarche de Patrick Balkany à Clichy vise au statu quo: il a toujours fait en sorte qu'il n'y ait pas de stabilité politique pour ne pas être menacé sur sa circonscription. Pour le reste, je ne suis pas dans une démarche de vengeance. J'espère juste que cela peut donner l'occasion à d'autres femmes de s'exprimer dans des affaires de mœurs.

Comptez-vous continuer la politique?

Je n'exclue pas d'être candidate aux législatives, sans investiture (Ndlr: dans sa circonscription, et donc celle de Patrick Balkany). A Clichy, il ne passe pas. A Levallois, l'exaspération monte, on l'a vu aux cantonales avec la défaite d'Isabelle Balkany. A la mairie, beaucoup de gens partent ou sont mis dehors. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que ça repart comme en 1995 (Ndlr: lorsqu'un dissident de droite avait délogé les Balkany entre 1995 et 2001). Les Balkany se croient intouchables, au-dessus des lois. On se sent un peu trop protégé, on croit qu'on peut tout faire, avec les dossiers comme avec les femmes...

***

 

La lettre de démission de M-C Restoux.
La lettre de démission de M-C Restoux.
Lorsque Marie-Claire Restoux avait écrit à Bernard Accoyer pour démissionner de son poste, elle avait évoqué des désaccords politiques (voir la lettre ci-contre)Le président de l'assemblée nationale n'avait «pu donner suite» à sa demande de démission en vertu du code électoral (lire sa réponse ici).

 

Conseillère municipale d'opposition (UMP) à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), elle avait à l'époque dénoncé, dans un communiqué intitulé «Non au tandem Balkany-Schuller», la «tutelle levalloisienne» et l'influence qu'exerce toujours Didier Schuller, ancien leader de l'opposition à Clichy, condamné en 2007 à trois ans de prison, dont un ferme, dans l'affaire des HLM des Hauts-de-Seine (il a effectué sa peine et reste privé de ses droits civiques jusqu'en 2012).

 

Le communiqué de M-C. Restoux.
Le communiqué de M-C. Restoux.
«Malgré mes mises en garde répétées depuis deux ans, je n'accepte pas qu'il faille encore composer avecDidier Schullerpour s'assurer des bonnes grâces de Patrick Balkany» à Clichy, écrivait-elle.

 

Elle reprochait également à Patrick Balkany «d'avoir tout fait» pour empêcher son élection à la mairie de Clichy en 2008 (elle était tête de liste UMP aux municipales - voir la vidéo), le soupçonnant d'être«plus intéressé par (ses) charmes que par (sa) fonction».

Ce qu'elle avait développé le 6 avril sur RMC. S'attirant les foudres d'Isabelle Balkany, qui avait répliqué violemment sur le jdd.fr. L'ancienne vice-présidente du conseil général du 92 avait estime que la supppléante de son mari était «folle»«siphonnée»«complètement schizophrène» et qu'elle «ferait bien d'aller consulter un psychiatre».

Elle affirmait que «depuis trois ans, (son) mari a dû la voir trois fois, dans des lieux publics ou dans son bureau avec son directeur de cabinet»et que la jeune femme prenait «ses désirs pour la réalité». Ajoutant:«Entre vous et moi, ses charmes sont limités et surannés»«Aujourd'hui, elle n'est pas contente de sa situation à Clichy. Elle est conseillère municipale d'opposition mais elle a refusé d'être dans le groupe UMP. (...) Elle n'est pas contente parce qu'on essaye d'implanter un jeune dynamique, Karim Benyelles, dans la circonscription», avait-elle estimé.

Publié dans Affaires

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