Plaies toujours à vif

Publié le par DA Estérel 83

CL11112010

 

 

La Squadra Azzura boycottera-t-elle la prochaine Coupe du monde de football 2014 au Brésil comme le réclamait hier à cor et à cri un ministre italien faisant écho aux familles des victimes du terrorisme ? On peut évidemment en douter quand on connaît la passion des tifosi pour le ballon rond.

Pourtant cet appel spectaculaire à se venger du Brésil traduit bien à quel point la décision de la Cour suprême de ce pays de ne pas extrader Cesare Battisti, l'homme qui incarne la folie terroriste des années de plomb a profondément blessé la fierté et la dignité de l'ensemble des Italiens. De Silvio Berlusconi à la gauche, des intellectuels aux artistes, du balayeur de Naples au très respecté président de la République, Giorgio Napolitano, ancien communiste qui n'a jamais tremblé face au terrorisme qu'il soit fasciste ou d'extrême gauche, c'est la même indignation qui secoue la péninsule.

Condamné à la perpétuité pour quatre assassinats, évadé, en cavale de nombreuses années en Amérique latine puis en France, membre fondateur des sinistres PAC, les Prolétaires Armés pour le Communisme, Battisti, avait réussi à se refaire une sorte de virginité. Bénéficiant de l'amnistie décrétée par François Mitterrand pour tous les réfugiés politiques acceptant de renoncer à la violence, il a vécu jusqu'en 2004 à Paris avant que la justice française n'accède à la demande d'extradition de son pays.

A l'issue d'une nouvelle cavale, celui qui était devenu un auteur de romans noirs à succès partiellement autobiographiques, vient donc de profiter d'une décision toute politique. La Cour suprême brésilienne n'a fait en effet qu'entériner le choix qu'avait fait - la veille de quitter le pouvoir... - le président Lula de ne pas extrader l'Italien.

Ceux qui aujourd'hui en France continuent, avec un inquiétant romantisme libertaire, à défendre Battisti - la réaction hier de Michel Tubiana, ancien président de la LDH expliquant que s'il allait au Brésil «il aurait plaisir à le revoir» est assez révélatrice... - devraient au minimum se poser la question de la place respective de la justice au Brésil et en Italie...

Jusqu'à preuve du contraire, les juges italiens qui ont condamné par contumace Battisti l'ont fait dans un cadre parfaitement démocratique et respectant tous les droits de l'accusé. Il faut par ailleurs rappeler que ces mêmes magistrats souvent premières cibles des crimes terroristes n'ont pas - eux - fui leurs responsabilités. Et qu'il est pour le moins indigne que de ce côté des Alpes on se sente le droit de donner des leçons d'indépendance à ceux qui depuis des années sont systématiquement traités de «juges rouges» par Berlusconi et la droite.

Enfin, on aimerait que celui qui se juge lui-même «politiquement responsable» mais «pas coupable» ait le front de réclamer la révision de son procès. Ce serait la seule façon en effet de prouver sa présumée innocence.

 

Publié dans Etranger

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