Hollande aura une majorité à l'Assemblée Une victoire et plusieurs reculs

Publié le par DA Estérel 83

01-Mediapart

 

 

La gauche et plus particulièrement François Hollande ont emporté ce premier tour des élections législatives sans coup férir. Avec 34,4 % des voix selon les résultats définitifs, le PS renoue avec un score historiquement haut qu’il n’avait pas pu réaliser depuis 1988 (il avait fait 25 % des voix lors du premier tour en 1997 puis en 2002, et 26 % en 2007). 

Sauf bouleversement dans la semaine à venir, le parti socialiste peut même espérer obtenir, à lui seul, une majorité absolue dans la future Assemblée nationale, ce qu’il n’avait plus connu depuis 1981 ! Les estimations de ce dimanche soir le créditent de 275 à 319 sièges dimanche prochain, la majorité absolue étant à 289 sièges. Qu’il passe ce seuil et François Hollande renouera véritablement avec celui qu’il n’a cessé d’évoquer durant sa campagne : le François Mitterrand de 1981.

François Hollande votant à Tulle, dimanche.François Hollande votant à Tulle, dimanche.© (Christelle Alix)

Mais s’il ne décrochait pas seul cette majorité absolue, les écologistes lui permettront de l’atteindre : la formation Europe Ecologie-Les Verts obtient 5,46 % des voix et de 12 à 16 sièges, selon les estimations de ce dimanche soir. Aujourd’hui alliés au gouvernement, les deux partis n’auraient ainsi pas besoin du soutien du Front de gauche, qui obtient 6,91 % des voix et de 13 à 20 sièges (contre 4,3 % des voix en 2007 et 24 sièges).

« Les Français nous ont dit leur soutien, ils apprécient que les engagements soient tenus, s’est félicitée Martine Aubry, mais rien n’est joué. Allez voter et confortez encore les partis de gauche ! »Plus mesuré, Laurent Fabius, lui-même réélu dès le premier tour, estime que c’est « un bon résultat, les électeurs apprécient les premières mesures et le style de François Hollande ». Mais, ajoute le ministre des affaires étrangères, « tout cela doit être confirmé ».

Tout cela reste effectivement à confirmer car cette victoire, qui garantit à François Hollande et à son premier ministre Jean-Marc Ayrault de pouvoir mener à bien leur projet politique, est entachée de plusieurs reculs ou défaites qui ne manqueront pas de poser, dès dimanche prochain ou dans les mois qui viennent, de gros problèmes à la gauche de gouvernement.

  • La première défaite est celle de la participation

La démocratie parlementaire sort un peu plus affaiblie encore de ce premier tour de scrutin avec une abstention qui bat un record historique : près de 43 % des électeurs n’ont pas voté. C’est l’un des paradoxes de cette présidence Hollande, assurant vouloir en finir avec l’hyper-présidence et rétablir le Parlement dans la plénitude de ses pouvoirs : jamais Assemblée nationale ne va être aussi mal élue.

Il faut y voir le résultat désastreux de la réforme votée sous Lionel Jospin, combinant la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans à « l’inversion » du calendrier électoral qui voit les législatives automatiquement organisées un mois après le scrutin présidentiel. Depuis cette réforme, l’abstention n’a cessé de progresser : de 34,3 % en 1988, elle est passée à 35,6 % en 2002, à 39,6 % en 2007 et fait aujourd’hui un bond à environ 42,77 %. Transformées en élections de « ratification », les législatives ont été vidées de leurs enjeux institutionnels et politiques : quel parti, avec quel programme et pour quel gouvernement ? « Cela revient à poser une question à laquelle les électeurs ont déjà répondu », remarque Emmanuel Rivière, de TNS-Sofres, dans Le Figaro. L’élection présidentielle écrase et surdétermine les suivantes. Et comme cette élection présidentielle se joue elle-même largement au premier tour, sur le choix d’une personne plus que d’un projet ou d’un programme, ce premier vote conditionne lourdement les suivants…

Cette abstention massive ne tient pas seulement à une lassitude voire à un épuisement des électeurs après des mois d’une campagne présidentielle violente et anxiogène. Elle découle également d’un choix stratégique fait par les socialistes et les écologistes de ne pas réanimer de campagne nationale et de ne pas avoir tenté d’enclencher des dynamiques nouvelles d’adhésion.

La mise en place du gouvernement, la découverte des nouveaux ministres et les premières mesures du gouvernement Ayrault ont tenu lieu d’argumentaire électoral. Dans le même temps, l’argument massue fut assené : voter « en cohérence », donner à François Hollande « les moyens de sa politique ». Cette démarche, portée par le bulldozer institutionnel du scrutin présidentiel, donne une victoire certes nette mais sans enthousiasme ni dynamique.

  • La deuxième défaite est celle des écologistes

Avec moins de 6 % des voix, ils se retrouvent marginalisés. Ils espéraient, au terme de leur accord passé avec le PS, vingt, trente et peut-être plus encore de députés. Ils ne sont même pas assurés d’obtenir un groupe dans la prochaine assemblée en étant crédités de 12 à 16 sièges seulement (il faut quinze députés pour pouvoir constituer un groupe). Si ce groupe, clé de voûte de toute la stratégie écologiste et de son alliance avec les socialistes, leur échappe, alors il faudrait parler d’un lourd échec pour Europe Ecologie-Les Verts, menacé dans ce cas de devenir le petit supplément d’âme environnemental du géant socialiste.

Tout en vantant les mérites « d’une diversité de la majorité », Cécile Duflot, dirigeante des Verts devenue ministre du logement, a été une des seules, ce dimanche soir, à pointer immédiatement le très fort taux d’abstention et les ravages ainsi provoqués par une campagne législative inexistante. Les écologistes paieraient ainsi très cher de s'être tout entiers consacrés à leur entrée dans le gouvernement, sans se distinguer du parti socialiste et sans rappeler les originalités et les différences de leur programme.

Enfin, deux autres défaites viennent en creux souligner les fragilités de la victoire des socialistes.

  • La troisième défaite est l’élimination de Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon devra laisser le candidat socialiste Philippe Kemel affronter Marine Le Pen qui rassemble 42 % des voix dans ce premier tour. « Il est normal qu'on soit déçus », a lancé le leader du parti de gauche. Sa défaite réjouira les socialistes sans aucun doute, et peut éventuellement soulager certains communistes qu’agaçait la stratégie radicale du candidat à la présidentielle.

Jean-Luc Mélenchon.Jean-Luc Mélenchon.

Mais l’échec personnel de Jean-Luc Mélenchon vient souligner les difficultés nouvelles que va devoir affronter le Front de gauche : l’alchimie de l’alliance parti de gauche/parti communiste ne devrait pas produire plus de députés qu'en 2007, au contraire (les estimations leur accordent de 13 à 20 sièges contre 24 en 2007). Et le Front de gauche pourrait même maintenant se fracasser sur la question de la participation au gouvernement : ce sera le débat des jours à venir. Au-delà, c'est toute la stratégie du parti de gauche qui sera sans doute interrogée : comment transformer désormais en dynamique politique durable ce qui a été initié durant la campagne présidentielle ?

  • La quatrième défaite est celle qui menace sérieusement François Bayrou
François Bayrou.François Bayrou.

Le chef du MoDem enregistre un nouveau revers après son échec cuisant à la présidentielle. Arrivé derrière la candidate socialiste, il devra dimanche tenter de l’emporter dans la pire des configurations pour lui : une triangulaire, le candidat UMP devant décider de se maintenir. Là encore, les difficultés du député du Béarn sont à l’image de celles de tous les candidats de son parti. Faisant au niveau national 1,76 % des voix, le MoDem qui peut espérer dans la meilleure des configurations obtenir trois députés sort fracassé de ces deux élections présidentielles et législatives.

C’est donc ce paysage d’un centre indépendant inexistant et d’une gauche plurielle malade que le parti socialiste va devoir gérer dans les mois à venir. Il le fera certes en position de force, assuré d’une majorité au Sénat et à l’Assemblée nationale. Mais est-ce son véritable intérêt que d'avoir des partenaires aussi faibles ? Certains barons socialistes s'en réjouissent, à l'instar du maire de Lyon, Gérard Collomb, qui a su organiser les dissidences contre des candidats écologistes. Le plus probable est que cette situation hégémonique, comme en 1981 et dans une certaine mesure en 1997, laisse le parti socialiste renouer avec ses vieux démons.

C’est le paradoxe de cette séquence électorale 2012. D’un point de vue institutionnel, François Hollande et les socialistes sont en bonne voie d’obtenir des pouvoirs que la gauche n’a jamais eus sous la Ve République : présidence, gouvernement, Assemblée, Sénat, la quasi-totalité des régions, les trois quarts des grandes villes et une grosse majorité de départements. D’un point de vue politique, ils ne sont pas accompagnés de partenaires forts, à même de nourrir des majorités d’idées, d’entretenir le débat, d’organiser confrontations et contre-programmations, de relayer des mouvements sociaux divers.

Or face à une UMP qui a échappé à la débâcle et continue de peser lourd avec 34,07 % des voix, face surtout à une extrême droite qui confirme ses scores élevés (13,6 % des voix contre 12 % en 2002 et 4 % en 2007) et renforce son implantation territoriale, le PS va devoir prendre le risque d'affronter seul, sans les relais et les dynamiques qu’auraient pu construire les autres forces de gauche, des adversaires déterminés à provoquer son échec. Ce sont là les vraies fragilités d’une victoire monocolore dont ce dimanche vient de démontrer qu’elle ne parvient pas à enthousiasmer les citoyens.

Publié dans Elections

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