Gentils pigeons et vrais rapaces

Publié le par DA Estérel 83

ANTIBOBARDS

 

 

«Anticapitalisme», «quasi-sadisme», «hold-up fiscal»... ces termes –tout en nuances– ont été employés par le petit monde des entrepreneurs d’Internet pour dénoncer les mesures fiscales du gouvernement perçues comme un matraquage fiscal. Mais derrière le groupe dit des «pigeons» se planquent d’autres personnages, moins avenants, frappés eux aussi par la réforme de l’impôt sur les plus-values mobilières : les gérants de fonds financiers et les spécialistes de LBO...

(Les #geonpis sont parvenus à mobiliser massivement via Internet et les réseaux sociaux - DR)
(Les #geonpis sont parvenus à mobiliser massivement via Internet et les réseaux sociaux - DR)
Le petit monde des entrepreneurs d’Internet, le même qui, d’habitude, donne des leçons à la Terre entière sur le bonheur de l’esprit positif, sur la « coolitude » de la créativité décomplexée, se met d’un coup à hurler « Ma cassette ! ma cassette ! » comme l’Harpagon de Molière. 

Tout en nuances, Jean-Paul Chamboredon, porte-parole de la contestation, dénonce derrière cet « anticapitalisme » un « quasi-sadisme » qui lui donne « la nausée »... « Un hold-up fiscal », s’écrie un patron en vue. « J’ai la gueule de bois », gémit un autre. Un troisième parle déjà d’émigrer vers un paradis belge ou anglais. Comme ces gens savent utiliser à merveille les réseaux sociaux, et leurs relais dans la presse et l’audiovisuel, les critiques des mesures fiscales qui les concernent emplissent soudainement l’espace média- tique. Leur tapage n’empêche pas de réfléchir un peu sur le fond de l’affaire.
 
Que dénoncent ceux qui se baptisent eux-mêmes « les pigeons » ? Tout simplement la fin d’un privilège. Les revenus qu’ils tirent de leurs capitaux seront désormais imposés comme ceux du travail. Pour simplifier, le créateur d’une start-up qui revend rapidement son entre- prise avec profit verra sa plus-value taxée à 43 % plus 15 % de cotisations sociales, au lieu de 30 % jusqu’à présent. 

Cela semble dur si l’on ne précise qu’un investisseur de long terme, accompagnant une société pendant dix ans, bénéficiera d’un abattement ramenant l’impôt au niveau... d’aujourd’hui. Derrière les quelques gueules sympathiques de baroudeurs du Net à qui personne ne souhaite un mauvais sort se planquent d’autres personnages, moins avenants, frappés eux aussi par la réforme de l’impôt sur les plus-values mobilières : les gérants de fonds financiers et les spécialistes de LBO (rachats spéculatifs d’entre- prises) qui ont pour habitude de se faire rémunérer en « carried interest », c’est-à-dire lors de cessions de gros paquets d’actions. 

Eux sont les adeptes non pas de la créa- tion d’entreprise, mais de la création de valeur pour l’actionnaire, voire d’abord et avant tout pour eux-mêmes ! Ils ont l’habitude des allers-retours aussi rapides que fructueux. On comprend que ces rapaces laissent les pigeons occuper le devant de la scène médiatique au mieux de leurs intérêts.
 
Personne, surtout pas dans nos colonnes, ne trouve que les hausses d’impôts décidées par la nouvelle majorité sont indolores. Au contraire, nous savons que
les temps sont durs pour la plus grande partie de la population et d’autres catégories, souvent bien moins loties, rejoignent le sort commun des contribuables, comme les salariés effectuant des heures supplémentaires, ou les autoentrepreneurs. Faut-il pour autant renoncer à retrouver le principe fondateur de la Répu- blique : l’égalité des Français devant l’impôt ? 
 
Il n’aura pas fallu deux jours pour que le gouvernement, traumatisé par la chute vertigineuse de l’investissement, fasse droit aux revendications de nos chers « pigeons » qui menacent de s’envoler vers les paradis fiscaux que seraient l’Angleterre ou la Belgique. On ne sait pas encore si les rapaces, bien plus discrets, bénéficieront eux aussi des concessions octroyées par Pierre Moscovici et Fleur Pellerin, ce qui constituerait un scan- dale, mais on peut lancer ce conseil à tous les contribuables mécontents : tweetez à Bercy, c’est rapide, pas cher, et ça peut rapporter gros !

Publié dans Société

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