Libye: la semaine de trop...

Publié le par DA Estérel 83

Marianne2-copie-1

 

Kadhafi vacillait sur son trône. L'histoire avait choisi son camp. C'était une question de jours. Une simple formalité. A une semaine près. Juste le temps que la communauté internationale et l'Union européenne ne tergiverse. Suffisant pour le Guide ne regonfle le moral de ses gardes révolutionnaires et recrute encore quelques mercenaires pour regagner une à une les villes perdues.


Un membre des forces d'insurrection libyenne (cc flickr B.R.Q.)
Un membre des forces d'insurrection libyenne (cc flickr B.R.Q.)
L’affaire était pliée. C’était une question de jours. Kadhafi devait choisir : un point de chute discret, les tribunaux ou la mort. Le Guide est tenace, il a choisi de se battre. Profitant des atermoiements de la communauté internationale et de l’incapacité de l’UE à s’accorder sur une politique étrangère et de sécurité commune efficace en situation d’urgence, Kadhafi regagne le terrain perdu. 
Et la crise libyenne ressemble chaque jour un peu plus à une guerre civile. Confronté à un mouvement d’insurrection mal armé, mal équipé et peu soutenu, Kadhafi jugé illégitime par les Etats-Unis, l’Europe et la Ligue arabe a perdu le soutien de Moscou. Pourtant, ce qu'elle gagne en reconnaissance politique, l’opposition le perd sur le terrain.

Condamné politiquement, le « Guide » avance sur Benghazi, pas tant grâce au soutien de son armée régulière, que par celui indéfectible des troupes d’élite de la garde révolutionnaire et le renfort de nombreux mercenaires venus des pays africains riverains. 

Originaires, entre autres, du Tchad, de Mauritanie, du Soudan, de Somalie, du Zimbabwe ou encore du Liberia, il s’agirait pour la plupart d’anciens combattants de rebellions africaines financées par le « Guide » dès son arrivée au pouvoir en 1969. Des Kényans, Ethiopiens et Burkinabès feraient également partie de leurs contingents. Leur nombre est estimé à 6000 par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), d’autres comme l’ONG Human Rights Solidarity l’évalue à 30000.

DES GARDES RÉVOLUTIONNAIRES ARMÉS ET FIDÈLES AU GUIDE
Selon Afrik.com« les mercenaires seraient, pour partie, issus de la « Légion islamique ». Une armée inspirée de la Légion étrangère française, et reflétant le rêve de Mouammar Kadhafi de créer des Etats-Unis d’Afrique et d’en devenir le leader ». Tous grassement payés au « manifestant abattu ». Certains médias anglo-saxons évoquent 1000 dollars par victime, d’où ces scènes effroyables de rebelles abattus froidement pour faire du chiffre, à quoi s’ajoute une solde de 1000 dollars par semaine.  

Selon un spécialiste du Moyen-Orient de la revue américaine de défense Jane’s, c’est le corps des gardes révolutionnaires, « une unité paramilitaire forte de 3.000 hommes qui fait la force de Kadhafi et nous sommes persuadés qu'ils se battent en ce moment. Ils ont accès à toute une série d'armes, dont des chars de combat, des hélicoptères et des véhicules de transport de troupes blindés » explique Dave Hartwell. 

Connus sous le nom de Liwa Haris Al-Jamahiriya, ces hommes viennent de la région de Sirte, le fief de Mouammar Kadhafi. «Très proches du régime, ils sont triés sur le volet et leur principale mission consiste à  protéger Kadhafi et sa famille ». 

De nombreuses troupes issus de l’armée régulière auraient fait défection, Kadhafi pourrait s’appuyer sur 10 à 15.000 combattants sur les 45.000 dénombrés avant la rébellion.

POUR KADHAFI, SARKOZY EST UN FOU
Le Guide dispose néanmoins de la brigade Khamis, un deuxième bataillon d'élite commandé par Khamis Kadhafi, le plus jeune fils du dirigeant libyen. La brigade Khamis serait la mieux équipée de Libye, les véhicules les plus récents dont disposent les forces gouvernementales sont des chars de fabrication soviétique fabriqués au début des années 70, les T72.

« Il a ainsi accès en théorie à 260 de ces engins, mais on ne sait pas très bien combien sont complètement opérationnels », souligne Hartwell. Si beaucoup d’inconnues demeurent sur la qualité de l’armement libyen, celui dont les jours étaient comptés il y a une semaine s’est refait une belle santé, récupérant les zones pétrolières, lançant des raids aériens sur Ajdabiah, l’un des derniers fiefs insurgés avant de s’emparer de la route qui mène à Benghazi, bastion des rebelles dans l'est de la Libye. Un retournement de tendance en Libye qui n'augure rien de bon pour les autres pays de la région encore en lutte ou ceux tout justes sortis de la dictature et qui tentent, vaille que vaille, de construire des régimes démocratiques.   

Réduit à un constat d’impuissance, Alain Juppé reconnaissait mardi au micro d’Europe 1 que la communauté internationale avait laissé passer sa chance : « Si nous avions utilisé la force militaire la semaine dernière pour neutraliser un certain nombre de pistes d'aviation et les quelques dizaines d'avions dont ils disposent, peut-être que le renversement qui se produit en défaveur de l'opposition ne se serait pas produit. Mais c'est le passé ». Avec des « si » l’Europe aurait échafaudé depuis des années une politique de défense commune, éternel mirage -rien à voir avec les avions...- qui disparaît à chaque confrontation avec la réalité. Beaucoup d'effets d'annonces, autant de pantalonnades.    

Pendant que le monde tergiverse, Kadhafi fanfaronne, menace et nargue ses vieux amis qui lui vendaient des armes et le recevaient comme un roi il y a quelques mois. Sarkozy en tête : « C'est mon ami, mais je crois qu'il est devenu fou. Il souffre d'une maladie psychique. C'est ce que dit son entourage. Ses collaborateurs disent qu'il souffre d'une maladie psychique », a déclaré Le Guide dans une interview qui devait être diffusée mardi par la chaîne allemande RTL. A la déroute stratégique, vient s’ajouter désormais le caractère complètement ubuesque de la situation.

Publié dans Etranger

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article