Le rapport de Bruxelles sur le smic peut-il enflammer la présidentielle ?

Publié le par DA Estérel 83

Marianne2-2012

 

 

A cinq jours du premier tour de l'élection présidentielle, le dernier rapport prospectif sur l'emploi de la Commission aux affaires sociales suscite déjà la polémique. Sous couvert de se positionner en faveur d'un salaire minimum européen, certains craignent l'explosion pur et simple du SMIC français. Sans compter les autres propositions, en faveur de la libéralisation du marché du travail à l'échelon européen ou la baisse des charges salariales.

Laszlo Andor (Geert Vanden Wijngaert/AP/SIPA)
Laszlo Andor (Geert Vanden Wijngaert/AP/SIPA)
Vous avez aimé le plombier polonais ?  Vous adorerez l’ouvrier roumain ! 
La directive Bolkestein qui devait lever les obstacles à la libre circulation des services dans l’UE reviendrait-elle par la fenêtre dans une version édulcorée? 

A la recherche de pistes pour soutenir la croissance en berne du continent, le rapport de la Commission aux affaires sociales de Bruxelles n'a pas tardé à faire polémique. Inoffensif au premier abord, le document de 28 pages qui explore les voies d’une « croissance riche en emplois» a déjà suscité bon nombre de réactions à gauche, comme à droite. 

« Un cocktail explosif de mesures ultralibérales censées relancer l'emploi... véritable machine à broyer les peuples et les modèles sociaux » comme le prétend Marine Le Pen ou un « instrument privilégié pour renforcer l'offre de travail » selon la dernière version du texte obtenue par Le Figaro. Deux visions d’un même projet de lutte concertée contre le chômage en Europe que la commission doit rendre public mercredi. 

« L'idée est de proposer une coordination des politiques de l'emploi un peu sur le modèle de ce qui se passe pour les politiques budgétaires » afin d'encourager les gouvernements nationaux à prendre en compte le marché de l'emploi de l'Union dans son ensemble et plus seulement dans le cadre de leurs frontières respectives, a indiqué lundi à l'AFP une source européenne proche du dossier. 

Et à cinq jours du premier tour de l'élection présidentielle, la publication du rapport de la Commission a déjà pris un tour très politique.

UNE VERSION REVISITÉE DU STO POUR DUPONT-AIGNAN

La commission s’attaque à la délicate question des salaires minimums modulables, l'abaissement des charges salariales et la libre circulation de la main-d'œuvre à travers toute l'UE. 
Anticipant la polémique à venir, Laszlo Andor, le président de la commission aux affaires sociales, a réfuté le caractère ultra-libéral des propositions affirmant la nécessité d’instaurer des salaires minimums : « Nous n'avons pas le pouvoir d'imposer ou d'harmoniser un salaire minimum partout au sein de l'Union, mais nous plaidons pour la généralisation de salaires minimaux, l'expérience montrant que leur mise en oeuvre a bien contribué à lutter contre la pauvreté et à soutenir la demande », a expliqué le commissaire à l'Emploi soulignant même, selon les Echos, que « les salaires minimaux aident à résister à la course destructrice vers des coûts du travail toujours plus bas ». 

La Commission européenne se positionne donc pour un salaire minimum identique partout en Europe, mais modulable selon les secteurs professionnels. 
Déjà en novembre 2011, Laszlo Andor s’était prononcé en faveur d’options politiques visant à garantir un niveau de revenus décent à chaque individu au sein de l’union européenne. 

Un message entendu comme une évolution du discours de la Commission, principalement adressé à l'Allemagne où les salaires minimums sont jugés trop faibles et ne concernent que 70% des travailleurs. 

En France, en revanche, le SMIC est le même partout, ce qui fait craindre à certains l’explosion pur et simple du salaire minimum. 
L'idée d'un Smic européen n’a convaincu ni Dupont-Aignan, ni Le Pen ni Mélenchon : «C'est la Commission de Bruxelles qui a précipité l'Europe dans la ruine du chômage et c'est la même qui, après avoir allumé l'incendie, veut maintenant encore ajouté le feu à l'incendie », a ainsi réagi Nicolas Dupont-Aignan, mardi matin sur Europe 1 qui y voit une version revisitée du Service du Travail Obligatoire instauré par Vichy en 1942.

VERS LA LIBÉRALISATION DU MARCHÉ DU TRAVAIL

Jean-Luc Mélenchon s’est montré plus mesuré mais tout aussi circonspect quant à l’efficacité de la mesure expliquant que « sous prétexte de suggérer des Smic ‘pas trop bas’, elle imagine de créer des Smic à géométrie variable suivant les branches d'activité. Autant dire ‘plus de Smic du tout’ et une législation sociale éclatée organisant la concurrence entre eux de tous les travailleurs ». 

Les autres propositions s’inscrivent dans la poursuite de la libéralisation du marché du travail à l’échelon européen. Le rapport préconise ainsi de s’attaquer aux obstacles qui se dressent devant la mise en place d’un marché unique du travail en Europe : « La mobilité du travail n'est pas suffisante dans l'UE. Afin d'exploiter toutes les possibilités, il est crucial d'assurer l'adéquation entre la demande et l'offre d'emplois» à l'échelon européen, notent les auteurs. Bruxelles demande ainsi que la France et les huit autres pays qui traînent les pieds ouvrent enfin leur marché du travail aux Bulgares ou aux Roumains. 

Une couche de vernis social pour mieux faire passer un nouveau wagon de réformes libérales ? 
D’autant plus étonnant que le commissaire européen pour l’emploi, les affaires sociales et l’égalité des chances, Laslo Andor, est un ancien professeur de politique économique, d’origine hongroise. Après avoir travaillé pendant deux ans au sein de l’Institut de recherches sociétales et économiques des syndicats, il devint rédacteur en chef de la revue trimestrielle Eszmélet (Conscience), un journal culturel et sociétal de gauche. On peut retrouver certaines de ses collaborations dans…Le Monde Diplomatique.  

Publié dans Europe

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