L'aveu du patron de PSA aux parlementaires

Publié le par DA Estérel 83

01-Mediapart

 

 

Même quand l'orage gronde, Phillipe Varin, raie sage sur le coté et petites lunettes, ne perd jamais son calme. PSA a pourtant annoncé des résultats catastrophiques, confirmant que legroupe perd en ce moment 200 millions d'euros par mois. L'action a encore dégringolé. Deux agences de notation ont abaissé la note de crédit du groupe. Les syndicats promettent de mettre le feu à la rentrée. Mercredi, les salariés ont défilé en masse sur les Champs-Elysées. Jeudi, ils s'étaient donné rendez-vous à Rennes.

Bref, les nuages s'amoncellent sur la tête de M. Varin. Pourtant, auditionné durant deux heures et demi jeudi matin par les membres des commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat, le président du directoire de PSA ne s'est jamais départi de son flegme, répondant sur un ton égal aux questions des parlementaires. (cliquer ici pour voir son intervention sur le site de l'Assemblée nationale)

P. Varin (à gauche), jeudi, à l'Assemblée nationale.P. Varin (à gauche), jeudi, à l'Assemblée nationale.© DR


L'audition était attendue. Certains, comme le député Front de gauche André Chassaigne, ont donc posé des questions parfois très pressantes. Sans faire de révélations ni entrer dans les détails, le patron de PSA a affiché tout du long ce profil bas, très étudié, qu'utilisent les grands patrons dans les moments de crise. Mais il n'a pas, loin de là, répondu à toutes les interrogations des parlementaires sur l'avenir des sites industriels (Aulnay, Rennes, mais aussi les centres de recherche etc.) touchés par le très lourd plan social annoncé par le constructeur le 12 juillet, qui concerne 8 000 personnes sur toute la France.

« Il a été honnête, y compris dans sa façon de dire qu'il n'avait pas réponse à tout, mais les réponses restent insatisfaisantes », a commenté à la sortie le président PS de la commission des affaires économiques de l'Assemblée. Le député semblait ne pas vouloir en rajouter, tant le ton est monté ces derniers jours avec le gouvernement, en particulier avec Arnaud Montebourg. Ce que la droite n'a pas manqué de faire remarquer, à l'instar de Damien Abad (UMP), qui a salué le « sang-froid » de Philippe Varin face au ministre du «redressement intempestif».

Face aux parlementaires, Philippe Varin a développé un argumentaire rodé. Le groupe va très mal, il y avait urgence à lancer la restructuration du groupe. Et PSA n'a rien dissimulé aux salariés et aux pouvoirs publics. « Nous sommes dans un engrenage qui a un caractère structurel, a-t-il dit. Le groupe n'est pas en situation de danger immédiat mais prend un risque peut-être mortel d'une spirale de déclin irrépressible. » L'expert nommé par le gouvernement pour auditer la situation financière de PSA remettra ses premières conclusions le 31 juillet, mais Varin, accusé de« mensonge » par François Hollande le 14 juillet et de« dissimulation » par Arnaud Montebourg, a fermement nié.

« La crise que nous vivons est une des plus violentes vécues (par le groupe) toute son histoire », a argumenté le patron de PSA, rappelant la saturation du marché automobile européen, l'offre pléthorique sur le segment des voitures de milieu de gamme, l'effondremet récent des ventes en Espagne et en Italie (conséquence de l'austérité), mais aussi l'afflux de véhicules asiatiques depuis 2010, à la suite notamment d'un accord commercial de l'Union européenne avec la Corée du Sud. Autant de « raisons impérieuses » qui ont conduit à « prendre le taureau par les cornes » en annonçant la suppression de 8 000 postes en France.« Je mesure pleinement le choc qu'a représenté ce plan pour les salariés du groupe, la somme d'inquiétude que le plan suscite dans les territoires concernés et au sein de la population de notre pays », a dit Varin.

Le constructeur, a-t-il rappelé, s'est engagé à « réduire autant que possible les impacts sociaux et humains des mesures annoncées. Nous examinerons toutes les voies pour que chaque personne concernée trouve une solution à son problème d'emploi », a promis le patron de PSA, renvoyant les discussions à la négociation avec les syndicats qui doit s'ouvrir – une fois que Secafi, l'expert du comité d'entreprise missionné mercredi par la CGT, aura remis son rapport.

PSA promet que 1 500 salariés d'Aulnay, qui devrait fermer en 2014, seront reclassés dans l'usine francilienne de Poissy, et les 1 500 autres  « dans le bassin d'emploi d'Aulnay et en Seine-Saint-Denis ». Une « cellule » sera créée dans le groupe pour rechercher des emplois correspondant aux compétences des salariés d'Aulnay, de même qu'une « mission de reconquête industrielle pour l'ensemble du bassin »« Nous entendons donner au site d'Aulnay une destination industrielle avec des activités de transport, de services à l'industrie, des éco-industries ». Selon le patron de PSA, « 600 emplois » potentiels ont déjà été identifiés. Mêmes engagements à Rennes, où 1 000 salariés devront être reclassés. PSA promet dy produire à partir de 2016 un « véhicule qui assurera à ce site un avenir industriel ».

« Nous avons prises les décisions au deuxième trimestre 2012 »

Philippe Varin s'est surtout employé à réfuter tout « mensonge ».« Concernant Aulnay, j'ai toujours dit que le seul engagement était la production de la C3 jusqu'en 2014 », rappelle-t-il. Il y a un an, Mediapart révélait pourtant que PSA songeait à fermer l'usine d'Aulnay. Depuis, Philippe Varin s'était muré dans le silence. Quant aux responsables de l'équipe Sarkozy, ils avaient nié tout plan social. En octobre 2011, l'ancien ministre de l'industrie Eric Bessonaffirmait à l'Assemblée nationale que « Sevelnord ou Aulnay ne fermeront pas ».

Le 15 novembre, alors que PSA venait déjà d'annoncer la suppression de 5 000 emplois par des non-remplacements et la fin de contrats de prestataires, le même Eric Besson promettait « qu'il n'y avait pas de fermeture de site, pas de plan social, aucun licenciement, ni aucun plan de départ volontaire » chez PSA. 

Deux jours plus tard, Nicolas Sarkozy confirmait: « il n'y aura pas de plan social en France chez PSA »

« Nous avions fait un certain nombre d'études et regardé les scenarii. Le scenario de fermeture d'Aulnay était envisagé, a concédé Philippe Varin. Nous avons longtemps cru pouvoir éviter une mesure structurelle portant sur un site. Mais depuis le début 2012 le marché a continué à se dégrader et la chute est désormais très violente. Ce n'est plus une glissade, mais un véritable tsunami commercial. Nous avons pris les décisions au deuxième trimestre 2012. » Autrement dit, en pleine campagne présidentielle. L'annonce a alors été repoussée après l'élection, admet-il. « Une entreprise de la taille de PSA ne peut pas envisager devenir l'enjeu dominant d'une campagne électorale. » 

Face à lui, les parlementaires n'ont pas caché leur inquiétude.« Votre décision de fermer, je ne m'y résous pas. Derrière les chiffres, il y a des femmes et des hommes en détresse », a rappelé le député PS Daniel Goldberg, élu de la circonscription d'Aulnay-sous-Bois. « La confiance n'existe plus suffisamment. Nous avons connu des mois de table ronde dans le passé dans lesquels on nous expliquait qu'Aulnay ne fermera pas, qu'il n'y aurait pas de plan social à PSA et six mois plus tard nous voilà dans une situation différente. Nous avons besoin d'assurances sur l'emploi. » Le député s'inquiète notamment pour le projet de réindustrialisation du site, qui sera bientôt desservi par une nouvelle gare de métro automatique, dans le cadre du grand Paris.« Je n'aimerais pas apprendre dans quelques années que la fermeture de l'usine était en fait liée au fait que le terrain allait prendre de la valeur grâce à des investissements publics ». L'élu demande que les très vastes terrains disponibles sur le site de l'usine soient d'ores et déjà ouverts à de nouvelles activités industrielles. Philippe Varin n'a pas répondu sur ce point précis.

« La représentation nationale est sous le choc », a martelé le sénateur PS Martial Bourquin, élu dans le Doubs, berceau de Peugeot. « Quand on écoutait les ouvriers, bien avant le fameux document révélant la fermeture d'Aulnay, il était évident que le site allait fermer vu la façon dont les ateliers se vidaient. Je regrette que tout cela se soit passé si tard. Désormais, le territoire est en danger mortel. La ville de Sevran, voisine d'Aulnay, ne s'est jamais remise d'avoir perdu de grandes entreprises dans les années 80. Un Sevran, ça suffit!», a insisté Claude Dilain, sénateur PS du même département.

« Je ne mesure pas encore l'onde de choc » des suppressions de postes à Rennes, a renchéri Thierry Benoît, élu centriste d'Ille-et-Villaine. Sénatrice PS, Delphine Bataille a demandé des précisions sur l'avenir de l'usine Sevelnord près de Valenciennes, tandis que d'autres élus mentionnaient les centres de recherche de leurs circonscriptions.

« Vous venez d'avouer que vous avez maintenu une forme de silence! », a accusé André Chassaigne (Front de gauche). Très en colère, il a exigé un « moratoire sur les restructurations engagées ». Et demandé à Philippe Varin de rendre des comptes sur les dividendes versés aux actionnaires ces dernières années.

« 2008? zéro! 2009! zéro! 2010! Oui, il y avait de bons résultats, nous avons versé 250 millions de dividendes et ils les ont réinvesti dans une augmentation de capital début 2012. Et 2011, zéro », lui a répondu le patron de PSA. Qui a profité de l'audition pour saluer le plan automobile annoncé hier par le gouvernement et modéré ses critiques du passé sur le problème du coût du travail en France. Entre l'exécutif et PSA, l'heure est de toute évidence à l'apaisement. Mais désormais, l'issue ne fait plus guère de doute: le plan de PSA ne sera guère modifié, sinon à la marge, et Aulnay sera bel et bien fermée en 2014.

Publié dans Economie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article