François Hollande souhaite une concertation nationale sur la fin de vie, un choix d'humanité

Publié le par DA Estérel 83

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 Seule la présence, toute de bleue vêtue, de sœur Évangeline rappelle que la Maison médicale Notre Dame du lac (Rueil-Malmaison) a été développée par une congrégation de religieuses contemplatives : les oblates de l'Eucharistie.

Peu de personnes savent que, dans leurs établissements, les premiers malades atteints du sida ont été accueillis alors que tant d'institutions les rejetaient, et que les soins palliatifs et l'accompagnement des personnes les plus affectées dans leur autonomie se situent au cœur d'un engagement fort partagé avec des professionnels d'autant plus motivés.

J'ignore si François Hollande savait qu'en décidant ce déplacement le 17 juillet pour exprimer son attachement, non seulement à la démarche des soins palliatifs, mais plus encore, aux personnes souvent vulnérables en fin de vie, il rendrait ainsi hommage à une institution d'exception qui incarne les valeurs de la sollicitude et de la solidarité. Les soignants de Notre Dame du lac partagent, avec d'autres professionnels impliqués comme eux sur ces territoires méconnus et extrêmes du soin, un même souci du respect de la personne, des "convictions" qui seront évoquées par le Président de la République ("devoir d'épargner, dans la mesure du possible, la souffrance aux malades", "reconnaissance du besoin de toute personne d'être accompagnée jusqu'au dernier moment", "nécessité pour les aidants d'être aidés, soutenus dans l'épreuve"). Cette conception éthique du non abandon ou de la juste présence favorise la proximité, l'échange vrai.

Réunies sur un balcon pour suivre un peu plus tard l'intervention du chef de l'État, Agnès (kinésithérapeute) et Annette (psychologue) reviennent avec Monique (résidente depuis quelques jours) sur leur rencontre avec François Hollande. Selon elles, il a su saisir cette ambiance si particulière faite de la succession de ces "petits moments qui font des grandes choses", cette intensité du bonheur qui pourrait a priori surprendre dans un contexte aussi difficile.

Monique confie qu'hier "elle a pleuré de désespoir toutes les larmes de son corps" et pourtant la tristesse est passée, elle est heureuse de vivre l'instant présent. Ce qui l'a aussi affligée, c'est d'entendre parler dans une émission de France Inter de l'euthanasie des malades, sans que personne ne s'en soit offusqué.

Annette évoque quelques rares demandes "qui tombent d'elles-mêmes lorsque surgit à nouveau, ne serait-ce que quelques minutes plus tard, une envie de vie". Ici le principe fédérateur se retrouve dans la devise de la Maison: "Accompagner la vie".

La force politique de ce message n'a certainement pas échappé à François Hollande qui, prenant son temps, interroge, écoute et témoigne une attention soutenue à ce qui se réalise au quotidien afin, dit-il de "traverser ces moments comme la partie pleine d'une vie entière". Dans son allocution, il insistera sur les obligations de la société et donc sur la valeur de cet engagement au cœur de la cité: "Telle est l'idée que je me fais du rôle de l'État et de la solidarité nationale. Travailler au service des Français, en particulier des plus fragiles et des plus faibles. (...) C'est au moment où ces personnes peuvent douter de leur propre avenir que nous devons assurer une présence de la collectivité auprès d'elles".

Sur le terrain, au plus près des réalités du soin, nous voilà bien éloignés des interminables controverses portant sur la légalisation de l'euthanasie, et l'on comprend autrement, dans sa complexité, ses tensions et sa signification profonde, la proposition 21 du programme électoral de François Hollande: "(...) que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité".

Et il fallait certainement ce temps de partage, cette présence dans ce cadre si singulier à la fois pour valoriser une démarche de soins palliatifs relevant de la question "comment vivre dignement jusqu'au bout?", et oser "aborder le sujet le plus douloureux qui soit: le droit à mourir dans la dignité, j'allais dire à vivre dans la dignité, car c'est le droit de chacun de vivre pleinement sa vie".

En effet après avoir réaffirmé les efforts de l'État en termes de soutien aux soins palliatifs (tout particulièrement en diversifiant leur offre, en renforçant les formations et la recherche universitaire), l'hommage soutenu rendu à la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie ("Il n'y a plus de légitimation au moment où je parle de l'acharnement thérapeutique") s'est conclu par l'annonce de l'ouverture d'un débat dont le chef de l'État a présenté certains enjeux.

"Faut-il, peut-on aller plus loin dans les cas exceptionnels où l'abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager les patients aux prises avec une douleur irréversible et qui appelle un acte médical assumé au terme d'une décision partagée et réfléchie? Poser cette question, c'est ouvrir une perspective qui elle-même entraîne un débat. Et les questions sont multiples."

C'est Didier Sicard, président d'honneur du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui se voit confier la présidence d'une mission de réflexion. Elle devrait rendre un rapport à la fin de l'année qui sera soumis au CCNE. Il importe d'évoquer à ce propos l'avis n° 63 du CCNE "Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie" du 27 janvier 2000, évoquant notamment la notion "d'exception d'euthanasie".

Est-ce l'une des options qui sera retenue, alors qu'après l'Allemagne, l'Espagne et la Suède, le Sénat argentina voté le 9 mai dernier une loi relative à la fin de vie qui reprend les principes de la législation française?

Didier Sicard, qui affirmait dans Le Monde le 29 janvier 2011 que "le progrès d'une société aujourd'hui, comme nous l'a appris l'histoire du XXe siècle, se mesure à sa capacité à développer la solidarité, en protégeant et en entourant les plus faibles et non à faciliter leur disparition", a évoqué ce mardi l'organisation de débats publics en région.

Il se propose ainsi de "refaire surgir de la pensée" dans un domaine délicat et souvent idéologique qui justifie une investigation menée au plus près du terrain et des échanges de qualité.

Pour François Hollande, "le débat mérite d'être engagé, il doit se faire dans l'apaisement". S'adressant aux professionnels de la Maison médicale Notre Dame du lac, il leur a rendu un hommage qui dit beaucoup de cet esprit du soin et de la relation à l'autre si présent dans le cadre des missions assumées auprès des personnes jusqu'au terme de leur vie: "vous donnez beaucoup de sérénité à ce que vous faites".

Il semble désormais essentiel qu'un contexte apaisé permette à chacun de s'investir honnêtement et avec courage dans ce débat de société que nous appelions de nos vœux. Cette visite du chef de l'État à Rueil-Malmaison et la valeur de son intervention me semblent constituer un signe prometteur et une forme de repère auquel désormais se référer. En ayant bien conscience que nous devons aborder avec prudence et humilité ces choix d'humanité.

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