Législatives: le PS laisse le champ libre à Kucheida

Publié le par DA Estérel 83

01-Mediapart

 

 

Jean-Pierre Kucheida, député et maire de Liévin (Pas-de-Calais), ne sera pas investi par le Parti socialiste. S'il se présente, il aura en revanche le champ libre pour une réélection dans sa 12ecirconscription, où il est élu depuis 1981. Le PS a en effet décidé de ne pas présenter de candidat face à l'élu liévinois, visé par une enquête préliminaire pour « abus de biens sociaux » (qui a connu un nouveau développement le 10 mai). Conseiller politique de Martine Aubry, François Lamy l'a confié vendredi à Mediapart :« On est parti pour n’investir personne, sauf si on nous le demandait plus haut. »

Mais « plus haut » – comprendre chez François Hollande –, on ne franchira sûrement pas le pas d'une investiture contre celui qui fut l'un des fervents soutiens du candidat socialiste. Le député de Liévin, 69 ans, a toujours clamé haut et fort ses liens avec Hollande. Dans Le Parisien, en décembre, il assurait avoir reçu « le soutien » du candidat socialiste et de Jean-Marc Ayrault. Le 17 avril, il était à son grand meeting de Lille (photo ci-dessous). Pendant l'entre-deux tours, il a placardé dans sa ville des affiches où il pose à côté de lui, selon La Voix du Nord (photo ici).

J-P. Kucheida au meeting de F. Hollande à Lille, le 17 avril (images France 2)J-P. Kucheida au meeting de F. Hollande à Lille, le 17 avril (images France 2)

Pendant la campagne, embarrassé, François Hollande a fait un pas de côté. « Moi, sur les affaires, j'ai une règle simple : la justice, toute la justice. Ceux qui, quelle que soit leur sensibilité politique, sont condamnés pour faits de corruption, ils ne pourront plus se présenter à des mandats publics. Est-ce que je peux être plus clair ? » a-t-il lancé le 27 février, sur TF1, pour crédibiliser sa campagne sur la moralisation de la vie politique. Une position qu'il avait réaffirmée à Mediapart, le 13 avril :

En décembre, lorsque le scandale avait éclaté, la première secrétaire avait annoncé le gel de l'investiture de Jean-Pierre Kucheida pour les législatives (voir les images). Pendant la campagne, les socialistes ont observé le plus grand silence sur le sujet (lire notre reportage), s’en remettant au travail de la commission d'enquête interne, présidée par l'ancien ministre Alain Richard, qui doit rendre ses conclusions avant la fin du mois.

Arnaud Montebourg, lui, veut aller plus loin que Solférino. Contacté par Mediapart, le troisième homme de la primaire socialiste explique « défendre l'idée d'une candidature d'un jeune du Pas-de-Calais » face à Jean-Pierre Kucheida. Tout en précisant :« Après, je ne suis pas chargé des élections, mais de la rénovation au Parti socialiste, donc mon objectif c'est que Kucheida ne soit pas élu. C'est à la fédération de trouver un bon candidat. Mais si le national ne demande rien, il ne se passe rien. »

Le 10 mai, dans l’émission « Complément d’enquête », sur France-2, le secrétaire national à la rénovation du PS a ouvert la porte à cette idée (voir la vidéo à 43'). « La moralisation est une exigence concrète. Ça veut dire quoi : par exemple, M. Kucheida n’est pas investi par le Parti socialiste. (...) Il ne peut pas être le candidat du Parti socialiste. » Le PS présentera-t-il quelqu'un d'autre ? « Exactement », répond Montebourg.

« Arnaud Montebourg n’a qu’à y aller ! »
Arnaud Montebourg sur France 2, le 10 mai 2012.Arnaud Montebourg sur France 2, le 10 mai 2012.

Une opinion dans la droite ligne de sa lettre envoyée à Martine Aubry en novembre, où il dénonçait le « système de corruption des élus socialistes du Pas-de-Calais »« Je te demande donc comme un service personnel à rendre au parti de ne pas investir Jean-Pierre Kucheida et Albert Facon aux élections législatives dans le Pas-de-Calais. (...) Il existe dans ce département des jeunes conseillers généraux capables de l’emporter et d’assainir enfin la situation », écrivait-il, évoquant la nécessité d’un « cordon sanitaire entre la campagne présidentielle et la montée attendue d’un scandale dans le Pas-de-Calais ».

Pendant six mois, Arnaud Montebourg, s’est lui aussi tu sur la question, expliquant à Mediapart qu'il « ne souhait(ait) pas (s')exprimer sur le sujet » car il avait « déjà tout dit ». Six mois plus tard, une fois la victoire de François Hollande acquise, le député de Saône-et-Loire revient donc à la charge.

Selon nos informations, il aurait démarché plusieurs jeunes élus du Pas-de-Calais, dont Nicolas Bays, conseiller municipal PS de Wingles, ancien secrétaire national du MJS, ex-collaborateur de Daniel Percheron (le président de la région Nord-Pas-de-Calais), et ex-assistant parlementaire du député européen Jean-Louis Cottigny. Montebourg voudrait mettre sur orbitre un jeune élu, sur le modèle de Pierre Ferrari à Hénin-Beaumont, ce jeune militant en opposition avec la gestion de la fédération du PS 62. En vain, pour l’instant.

Un autre haut responsable du PS, ironise : «Le problème, c’est que celui qui se présenterait (dans la 12e circonscription) ferait 2 %, car ce sont les seuls qui n'ont pas eu de logements !» « Si nous n’investissons pas Kucheida, personne n’acceptera de se présenter contre lui. Arnaud Montebourg n’a qu’à y aller ! »raille-t-il.

Pour Pierre Ferrari, si Montebourg « a du mal à trouver un candidat », c'est parce que « les jeunes élus de Pas-de-Calais sont déjà dans le système de la fédération. Ils sont au bureau fédéral du MJS, travaillent dans le cabinet de Daniel Percherondans celui de Jean-Pierre Kucheida, ou encore à la Soginorpa ». « Ici, à 20 ou 22 ans, soit vous rentrez dans le système, soit vous le combattez, mais c’est très dur. »

L'ancien conseiller municipal d'Hénin-Beaumont sait de quoi il parle. Ses critiques du fonctionnement de la fédération du PS 62 lui ont valu une exclusion du parti, une « traversée du désert politique » et un grand isolement. « Au conseil municipal, on m'avait mis sur une table à côté du FN, j'étais pris en étau entre notre véritable adversaire et la fédération PS », nous avait-il raconté en février (lire notre portrait).

Pierre Ferrari à Hénin-Beaumont, en 2009.Pierre Ferrari à Hénin-Beaumont, en 2009.© MT

Sous couvert d’anonymat, un autre élu du Pas-de-Calais raconte :« Personne n’ira face à Kucheida à Liévin. Martine Aubry ne veut pas se mouiller. Le PS préfère faire le dos rond plutôt que de perdre face à Kucheida. » Pour lui, « personne n’ose se présenter car tu es tout seul, "blacklisté". Le réseau Kucheida est tentaculaire ». Il pointe aussi « le risque d’arriver en rénovateur et de repartir en étant celui qui a fait basculer la circonscription vers le FN ».

La menace frontiste est bien réelle. Parachutée à Hénin-Beaumont en 2007, Marine Le Pen s'efforce d'étendre son influence sur le département en surfant sur les affaires du PS (lire notre onglet “Prolonger”). Certes, ce n’est pas, comme envisagé, son médiatique directeur de campagne, Florian Philippot, qui se présentera dans la 12e circonscription. Le parti a investi un militant inconnu au bataillon, garde du corps de la présidente du FN. Mais aux cantonales de 2011, à Liévin-Sud, il a recueilli près de 30 % des voix au second tour. Quasiment le score de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle dans cette circonscription (31,4 %, contre 32,1 % pour Hollande et 15,4 % pour Sarkozy). Preuve que le FN, avec ou sans tête d’affiche, cartonne.

Mais ce risque est souvent invoqué pour en masquer un autre, dont le PS est bien conscient : si Jean-Pierre Kucheida décidait de se présenter, il serait élu, même sans l’étiquette PS. Le “roi de Liévin” bénéficie, malgré les affaires, d’une popularité sans faille dans ses terres, comme Mediapart l’a constaté lors ce reportage« Vous ne changez pas les habitudes. Le renouvellement politique, cela ne se décrète pas, cela met des années », expliquait, en mars, François Lamy (lire notre entretien).

Pierre Ferrari, lui, n'en démord pas : « La République irréprochable de François Hollande, ça commence dès les législatives. Il faut présenter un autre candidat pour montrer que le PS n’est plus lié à Kucheida. On perdra sans doute un député, mais on aura sauvé notre honneur. » « Si le PS n’investit pas un autre candidat, ce ne sera vraiment pas courageux, cela reviendrait à donner la victoire à Kucheida », prévient-il. Et pour Christian Champiré, le candidat communiste de la 12e« il paraît évident que Jean-Pierre Kucheida va se présenter ».

Publié dans PS

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article