Lambert: «Sarkozy pourrait choisir de s'effacer pour éviter la défaite de son camp»

Publié le par DA Estérel 83

Marianne

 

 

Quelles que soient les enquêtes d'opinion, Nicolas Sarkozy ne décolle pas, tandis que François Hollande, son adversaire socialiste enfin désigné, continue de tutoyer des sommets sondagiers. Pourtant, rares sont ceux qui osent, à voix haute, remettre en question la légitimité de la candidature du monarque. Alain Lambert est de ceux-là. Interrogé par Marianne, l'ancien ministre du Budget et ex-sénateur de l'Orne plaide pour une candidature de droite moins flamboyante.


(dessin : Louison)
(dessin : Louison)
Marianne : 
Qu’avez-vous pensé du passage télévisé du chef de l'Etat jeudi 27 octobre ?
 
Alain Lambert : Que la démocratie aurait des difficultés à survivre en ramenant la politique à des opérations de communication. L’Europe est face à une crise de civilisation en plus de la crise financière. Il faudrait un géant pour porter le pays et l’obliger à se relever. Or, nous n’avons qu’une pile électrique. C’est utile pour stimuler mais pas vraiment pour gouverner. Présenter le bilan du quinquennat comme le modèle pour l’avenir est un tour de force qu’à sa place je ne tenterais pas.

Le 28 septembre, sur Twitter, vous postiez le message suivant : « F. Fillon invite paraît-il au rassemblement autour de Nicolas Sarkozy. Y'a du boulot, comme on dit dans ma province ;-) » Pourquoi « y’a du boulot » ?
 
Parce que personne à droite n’ose dire que les électeurs ne veulent plus de Nicolas Sarkozy. Je l’ai beaucoup soutenu il y a 5 ans, les gens me le reprochent aujourd’hui. Ils me demandent des comptes et je suis bien incapable de leur en donner ! Ce qui m’avait séduit à l’origine c’était son énergie. Rien ne semblait impossible avec lui. Le soir même de l’élection, j’ai compris que je m’étais trompé.
 
Sa candidature actuelle n’est donc plus légitime selon vous ?
 
Elle risque de biaiser l’élection qui portera sur le « pour ou contre Sarko ». Et pas sur la manière de gouverner la France en période de crise. Si la droite doit perdre, il faut que ce soit sur ses valeurs, et non à cause d’un sortant rejeté. Sans doute vaudrait-il mieux des candidats moins flamboyants, comme Alain Juppé ou François Fillon. Ils incarnent certes une France plus traditionnelle peut-être conservatrice, mais cela correspond aussi à une frange importante de la population française. Il leur manque un soupçon de charisme.
 
Vous pensez qu’ils attendent, comme Laurent Fabius en son temps, d’être plébiscités pour se poser en recours à Nicolas Sarkozy ?
 
Juppé comme Fabius me semblent souffrir du syndrome des gens hyper intelligents. Ils ont le sentiment que les autres ne les comprennent pas, ne les apprécient pas , ne les aiment pas. Ils attendent qu’on les appelle mais ce n’est pas du tout le mode de fonctionnement de la politique. Si vous restez chez vous, au chaud, en attendant qu’on vous téléphone, il y a peu de très peu de chance qu’il sonne.
 
Mais ont-ils ne serait-ce qu’envie d’y aller ?
 
Pour les socialistes, le candidat est désigné. Pour la droite, ils attendront les sondages de fin d’année. Si N. Sarkozy risque d’être éliminé dès le 1er tour, peut-être considèreront-ils qu’il est démocratiquement pénalisant que les idées de la droite et du centre soient absentes au 2nd tour, comme chacun avait regretté que les idées de gauche ne soient pas présentes en 2002.
 
Finalement, l’épreuve ultime à laquelle vont devoir se confronter les prétendants au trône ressemble fort à une tragédie grecque : il faut « tuer » Sarkozy pour espérer légitimement candidater à la magistrature suprême.
 
Il n’est nullement nécessaire de tuer. Il pourrait choisir de s’effacer lui-même pour éviter la défaite de son camp. Mais il lui reste des inconditionnels fidèles qui ne seront plus rien sans lui. Puis le problème est qu’il est impossible de déchirer une tendance politique, si près d’une élection. Peut-être se trouvera-t-il des gens convaincants qui auront le courage de lui recommander de s’arrêter pour lui éviter ce qui est arrivé à Giscard.
 
On a le sentiment que la traîtrise balladurienne de 1995 et son issue malheureuse pour le « traître » tétanise la droite aujourd’hui. Aucun n’ose brandir l’étendard de la révolte, la droite paraît résolument résignée. 
 
C’est la tradition de la Ve République depuis l'élection du président de la République au suffrage universel. La gauche a connu la même situation avec Rocard. Il a eu l’audace de se présenter comme l’égal de Mitterrand, je pense qu’intellectuellement il l’était, mais il n’avait probablement pas l’assise et la longue expérience d’un Mitterrand qui avait traversé toute la IVe République. Résultat, dans son parti, il n’a plus connu ensuite la carrière qu’il aurait méritée.
 
La grogne monte du côté des parlementaires de droite ?
 
Les parlementaires ont peur. Si la centaine de parlementaires qui critique le bilan de Sarkozy avait le courage  de se dévoiler et de publier une tribune disant : « Non, nous ne pouvons pas partir du seul postulat selon lequel Nicolas Sarkozy serait le seul candidat possible », il ne pourrait pas les exterminer tous ! Ils seraient d’ailleurs immédiatement invités à déjeuner à l’Elysée.
 
Comment expliquez-vous que le chef de l’Etat, pourtant décrié, parvienne à tenir ses rangs aussi fermement ?
 
Il n’a pas de pouvoir maléfique particulier mais il a une cour. 250 personnes vivent de Nicolas Sarkozy comme elles ont vécu de Chirac ou de Mitterrand avant. Et ces personnes exercent le pouvoir à travers lui et élimineront toute personne qui pourrait réduire à néant leurs espoirs, leur avenir, leur carrière. Il n’y a pas une personne autour de lui qui ne rêve d’une prébende demain.
 
Pourtant, les dissidents commencent à se rebeller. Aux cantonales comme aux sénatoriales, plusieurs candidats UMP (et souvent sarkozystes) ont perdu face à des candidats de droite sans étiquette.
 
Oui mais il existe un côté « panurgiste » chez les politiques, ils ne sont pas courageux individuellement, mais quand ils sont en bande, ils foncent tête la première. Si une ouverture se faisait, cela irait très vite. Tout pourrait basculer en 24 heures. En 1989, la droite fait 12% aux élections européennes, une catastrophe totale, et les jeunes loups de l’époque, Séguin entre autres, font immédiatement une percée. Cela n’a pas marché mais ça a failli déstabiliser complètement le système.
 
Justement, que font aujourd’hui les jeunes loups chiraquiens, François Baroin, Jean-François Copé, Bruno Le Maire ?
 
Nicolas Sarkozy leur a confié chacun un poste clé pour les paralyser et les dissuader de toute initiative propre. Il les a élevés, pour certains, à des postes surdimensionnés pour leur âge. Tous ceux chez qui il a identifié des capacités de révolte ont été anesthésiés.
Bruno Le Maire reste un mystère. Pour moi, c'est le meilleur. S’il me confiait un rôle d’impresario à titre gracieux, je lui recommanderais de lancer dès maintenant la révolte contre Sarkozy. Il a d’ailleurs des bons prétextes. Le président n’a pas de dessein pour la France, sinon, on le saurait déjà. Si Bruno Le Maire ne s’émancipe pas maintenant comme étant vraiment au dessus de la mêlée, il ne pourra jamais ensuite espérer doubler un Copé ou un Baroin, car il n’a pas leur brutalité. C’est maintenant qu’il doit s’affirmer.
 
Comment vous imaginez l’avenir de la droite post 2012 ?
 
Je pense que se reconstitueront les vieux blocs historiques de la Ve République, c’est-à-dire, les gaullistes bonapartistes d’un côté, attachés à une pratique ferme de gouvernement, puis les libéraux sociaux qui historiquement ont toujours été entre l’ancienne Démocratie chrétienne, qui n’existe plus, et les anciens libéraux. Enfin, les Radicaux qui constituent, à eux seuls, une famille.
 
Selon vous, quel sera l’enjeu de la campagne présidentielle 2012 ?
 
Le sujet est de savoir si on garde l’euro ou pas. Si on garde l’euro, cela suppose des efforts qui devront être répartis entre tous les échelons de la société, il est naturel de demander des efforts à ceux qui ont plus de ressources. Nous ne pourrons pas malgré ce que disent certains faire payer les entreprises à hauteur de ce qu’elles devraient payer parce qu’elles sont elles-mêmes soumises à une concurrence mondiale très forte. Donc cela veut dire qu’il faudra demander des efforts très importants à des classes défavorisées. Pour obtenir ces efforts, il faut être proches de leurs idées, de leur vie réelle, je crois que le vrai défi de cette élection sera de maintenir  l’unité nationale.
 
Sarkozy est donc un leader contournable ?
 
Il pourrait devenir ce que Georges Marchais a été au Parti communiste, un leader mythique.  Marchais amusait la France entière, mais son parti a disparu. Voilà ce qui pourrait arriver à l’UMP après Sarkozy.

Publié dans SARKOZY

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V
<br /> comparer Marchais à Sarkozy, quelque chose que je n'aurais pu pu faire ! que je sache ce leader du parti communiste ne nous a pas entrainé dans un gouffre en nous faisons des promesses non tenues,<br /> du reste on aurait dû l'essayer pour voir !!<br /> <br /> <br />
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