La retraite en or de Nicolas Sarkozy : pourquoi je suis scandalisé

Publié le par DA Estérel 83

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Avatar de Thierry de CabarrusPar  critique politique et cinéma

 

Nicolas Sarkozy a rallongé la durée légale de la retraite mais il va bénéficier de celle de président après seulement cinq ans de mandat. Une tradition qui coûte cher aux contribuables et qui profite aux ex-chefs d’État depuis 27 ans. Notre chroniqueur Thierry de Cabarrus est scandalisé.

Nicolas Sarkozy à Paris, le 24/04/2012. (NULL/SIPA)

 

En ces temps de crise, la retraite dorée des présidents de la République a quelque chose de scandaleux. Ainsi, Nicolas Sarkozy, l’homme politique qui s’est voulu inflexible sur la réforme des retraites va bénéficier d’une pension très confortable. De quoi tranquillement voir venir avant d’entamer, comme il le laisse entendre, une seconde vie professionnelle dans le privé.

 

Des revenus considérables au regard de la retraite moyenne


Scandaleux, en effet. Comment accepter que celui qui a reculé de deux ans l’âge légal de départ à la retraite, jetant dans la rue des centaines de milliers de Français exaspérés par une telle mesure, en partie injuste et considérée par beaucoup comme inefficace, puisse bénéficier d’avantages considérables pour sa propre pension?

 

Certes, Nicolas Sarkozy ne va rien voler, ses rémunérations à venir sont considérées comme légales, car elles ont été évaluées selon un système plus ou moins transparent qui a été mis en place… voici près d'une trentaine d’années.

 

Mais comment accepter que celui qui s’est accordé une augmentation de 140% de sa rémunération, continue de gagner beaucoup d’argent comme président retraité, sans aucun douteenviron 20.000 euros par mois prélevés sur les recettes de l’État ?

 

Comment accepter que cette somme, issue de l'argent versé par les contribuables, puisse être aussi importante alors que le revenu médian des Français se situe, lui, à 1.653 euros par mois et alors que la pension moyenne de nos concitoyens retraités n’excède pas 1.100 euros pour une femme et 1.600 euros pour un homme ?

 

Comme Giscard et comme Chirac


Nicolas Sarkozy va percevoir au minimum 6.000 euros bruts par mois, l'allocation "de base" actuellement versée aux anciens chefs de l’État français, en l’occurrence Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac et ce, quelle que soit la durée de leur présence à l’Élysée.

 

Comme eux, il va également pouvoir devenir membre de droit et à vie du Conseil Constitutionnel et, à ce titre, percevoir une rémunération supplémentaire de… 11.500 euros nets par mois.

 

Selon le magazine "Challenges", l’ancien président pourrait toucher au minimum 17.500 euros mensuels, somme à laquelle s’ajoute ce qu’on appelle pudiquement des "primes de sujétion spéciales", dont le montant est tenu secret. Ces primes ont officiellement pour objectif de "compenser les contraintes subies dans l’exercice de leurs fonctions" par les chefs de l’État… sans qu’aucune de celles-ci ne soit curieusement précisée.

 

Enfin, Nicolas Sarkozy, âgé de 57 ans, pourrait également toucher des traitements liés aux différents mandats qu’il a exercés comme député, mais également comme maire de Neuilly et en tant que président du Conseil Général des Hauts-de-Seine, lorsqu’il aura atteint lui-même l’âge légal de la retraite. Une somme que l’on peut facilement évaluer à plusieurs milliers d’euros supplémentaires.

 

Un appartement, une voiture, 2 chauffeurs, 7 collaborateurs


En soi, ces rémunérations ont quelque chose d’à la fois provocateur et de disproportionné en cette période où les Français souffrent dans leur vie quotidienne, où leur pouvoir d’achat est rogné sans cesse, où leur emploi est menacé et où même leurs retraites sont remises en cause.

Pourtant, pour élevées qu’elles soient, ces sommes peuvent se justifier en partie par l’ampleur des responsabilités assumées par les présidents durant leur mandat.

 

En revanche, que dire des autres avantages dont ils bénéficient de manière automatique  depuis qu’en 1985, Laurent Fabius, alors Premier ministre de François Mitterrand (eh oui, sous un régime socialiste !) avait révisé les dispositions matérielles des chefs de l’État à la retraite par une note discrétionnaire ?

 

 

Cette mesure aurait fait l’objet, deux ans auparavant, d’une discussion entre Valéry Giscard d’Estaing et le président socialiste sans que jamais pourtant aucun texte n’apparaisse sur ce sujet dans "le Journal Officiel".  

 

On peut ainsi s'interroger sur la nécessité de mettre à la disposition des "ex" beaucoup d’autres privilèges exceptionnels, comme par exemple un appartement de fonction "meublé et équipé", mais aussi deux policiers en permanence pour les surveiller (ce qui signifie au moins six à huit personnes, avec le jeu des repos, des congés et du système des trois-huit).

 

À ces avantages, s’ajoutent une voiture de fonction avec deux chauffeurs pour la conduire, ainsi qu’un staff de sept collaborateurs : un chef de cabinet, deux assistants, trois secrétaires et même un fonctionnaire des archives nationales (!), sans doute pour les aider à rédiger leurs mémoires…

 

Des voyages et des séjours gratuits à l’étranger

 

Avions de la compagnie Air France sur le tarmac de l'aéroport Paris Charles de Gaulle, Roissy, le 7 février 2012 (C.ENA/SIPA)

Avions de la compagnie Air France sur le tarmac de l'aéroport Paris Charles de Gaulle, Roissy, le 7 février 2012 (C.ENA/SIPA)


Et que dire encore des facilités matérielles accordées pour leurs voyages aux anciens présidents ? Nicolas Sarkozy pourra se déplacer partout en France et dans le monde, gratuitement, notamment grâce à une carte d’abonnement illimitée sur la compagnie Air France en classe "affaires", ainsi qu’à une autre carte à la SNCF en première classe.

 

Enfin, les ambassadeurs et les consuls français ont pour consigne, partout sur la planète où il existe une représentation nationale, d’accueillir dans les meilleures conditions possibles les anciens chefs de l’État, notamment dans les résidences officielles.

 

René Dosière, ce député socialiste de l’Aisne qui s’est fait une spécialité de contrôler chaque année le train de vie des présidents de la République, explique dans son livre "L’Argent de l’État"(Le Seuil) que la facture se monte en tout au minimum à 1,5 million d’euro par retraité de l’Élysée.

 

Près de 5 millions d’euros donc, chaque année, rien que pour subvenir aux besoins de Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et très bientôt Nicolas Sarkozy. Peut-être davantage, d’ailleurs, puisque René Dosière précise qu’il s’agit là d’une estimation, en raison d’une certaine opacité et de la diversité extrême des sources  de financement.

 

Hollande poursuit la moralisation de Fillon


François Hollande pourrait bien, durant son quinquennat, remettre à plat la question de ces retraites dorées des chefs de l’État dans le cadre de son projet de moralisation de la vie politique. Mais il n’y aura pas de rétroactivité et Nicolas Sarkozy, tout comme ses deux prédécesseurs encore en vie, ne devraient pas en être affectés.

 

Il a notamment pris l’engagement  de supprimer cette disposition qui permet aux anciens présidents d'être nommés à vie au Conseil constitutionnel.

François Fillon avait commencé cette opération de "nettoyage", forcé contraint en juin 2010, quand avait éclaté le scandale de la double rémunération de Christine Boutin : "le Canard Enchaîné" avait, à l’époque, révélé que l’ancienne ministre du Logement percevait… un salaire de 9.500 euros par mois pour une vague mission sur la mondialisation alors qu’elle bénéficiait également d’une pension de 6.000 euros au titre de sa retraite de députée.

 

Le non-cumul des mandats et… des retraites


Dès lors, le Premier ministre avait utilisé ce qu’on appelle désormais la "jurisprudence Boutin" pourobliger ses ministres en exercice à renoncer à leur retraite de parlementaire : Michèle Alliot-Marie, Roselyne Bachelot, Henri de Raincourt, Patrick Devedjian et Jean-Marie Bockel faisaient partie de ces cumulards.

 

On le voit, il reste beaucoup à faire pour rompre avec les privilèges au plus haut niveau de l’État.

 

Le non-cumul des mandats  devrait, à terme, limiter l’addition exorbitante des retraites pour une seule et même personnalité politique. Ce n’est qu’à cette condition, en effet, que l’on pourra tenter d’approcher au plus près de ce que François Hollande appelle "la République exemplaire".

Publié dans SARKOZY

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