Vent de panique à quatre jours du scrutin La Sarkozie en plein désordre

Publié le par DA Estérel 83

01-Mediapart

 

 

23 avril 2007. Nicolas Sarkozy tient meeting à Dijon. La veille, le candidat UMP a obtenu 31,18 % des voix. La victoire lui semble quasiment acquise. Ce soir-là pourtant, il sort de son chapeau un soutien de poids : Eric Besson. Inconnu du grand public, le député PS de la Drôme, à l’origine du projet économique de Ségolène Royal, a lâché sa candidate mi-février, à la suite de gros désaccords.

A la tribune, à Dijon (vidéo ci-dessous), Besson annonce qu’il votera Sarkozy et dénonce la caricature qui est faite du candidat UMP. Tant pis si, trois mois plus tôt, il a signé un violent pamphletcontre le candidat UMP, best-seller du PS, dans lequel il le qualifie de « néoconservateur américain à passeport français ». Un mois plus tard, il est nommé secrétaire d'Etat en charge de la prospective, avant de devenir ministre de l’immigration (en 2009) puis de l’industrie (en 2010).

« Qui connaît M. Besson ? » avait lancé Ségolène Royal en riant, au lendemain du départ du député. « J'ai découvert des noms que j'ignorais », ironise, comme en réponse, Jean-François Copé, cinq ans plus tard, en commentant l'avalanche de ralliements pour François Hollande. Cinq ans après la déroute de Royal, le même scénario se produit, à l’envers. En quelques heures, mardi 17 avril, six anciens ministres de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy ont indiqué leur soutien au candidat socialiste.

Le président-candidat est d’abord lâché par ceux qu’il avait promus dans son gouvernement. Martin Hirsch (ex-haut-commissaire aux solidarités actives et ancien président d’Emmaüs), Fadela Amara (ex-secrétaire d’Etat à la politique de la ville et ancienne présidente de Ni putes ni soumises) et Jean-Pierre Jouyet (ancien secrétaire d’Etat aux affaires européennes, puis président de l'Autorité des marchés financiers – AMF) sont subitement en train de se souvenir de leur attachement à la gauche. Le premier a indiqué au Mondeavoir « l’intention de voter François Hollande ». La seconde est allée plus loin dans un entretien à Libération. Tout en assurant qu’elle n'avait « rien négocié », elle a rappelé ses 23 années au PS et livré un long éloge de François Hollande, « un ami », qu’elle affirme avoir toujours soutenu...

Quant au troisième, ami intime de François Hollande, s’il est tenu par le devoir de réserve imposé par son poste, son vote pour le candidat socialiste est acquis depuis plusieurs mois.

 

Ces girouettes viennent s’ajouter aux ralliements de l’ex-candidate à l’élection présidentielle Corinne Lepage (qui fut ministre de l’environnement d’Alain Juppé avant de rejoindre Bayrou puis de le quitter) et de Jean-Jacques Aillagon (ministre de la culture de Chirac, en guerre avec Sarkozy depuis son éviction de la direction du Château de Versailles) – qui l’avait déjà annoncé le 8 mars dansLibération.

Mardi, Le Parisien nous apprenait que, à l’exception de Bernadette, qui continue de jouer les chauffeuses de salles dans les meetings de Sarkozy, le clan Chirac penche pour Hollande : l’ancien président de la République lui-même, sa fille Claude, son gendre et ancien secrétaire général de l'Elysée, Frédéric Salat-Baroux. Plusieurs proches de Chirac étaient d’ailleurs présents au discours de Hollande à Vincennes, dont Laurent Glépin, ancien chargé de la communication à l'Elysée, Hughes Renson, un proche collaborateur, ou Thierry Rey, ancien compagnon de Claude et père du jeune Martin Chirac. L'UMP minimise, dénonce et dégaine, mercredi soir, un communiqué intitulé « Tous mobilisés derrière Nicolas Sarkozy », cosigné par des ténors issus de la Chiraquie (Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, François Baroin, Christian Jacob, Jean-François Copé, Michèle Alliot-Marie, Jacques Toubon, etc.). Il n'empêche, le symbole est là.

« Sarkozy m’avait traînée dans la boue »

Mercredi, c'est au tour des villepinistes de se dévoiler. Brigitte Girardin, ancienne ministre de l’outre-mer de Chirac et secrétaire générale de République solidaire, explique au Figaro qu’elle ne « se reconnaît plus dans les valeurs de l’UMP, dans cette droitisation que rien n'arrête » et que « voter utile, c'est voter François Hollande dès le premier tour ». Tout comme Azouz Begag, ancien ministre de Villepin, qui, après avoir voté aux primaires socialistes, proclame sur son compte Twitter qu'il votera« utile-Hollande dimanche, le seul capable de battre Sarkozy le 6 mai ». Dominique de Villepin, lui, «ne parlera pas avant le premier tour et il n'est pas sûr qu'il en fasse davantage entre les deux tours », tempère l’un de ses fidèles.

Face à ces ralliements, les réactions d’indignation des poids lourds de la majorité se sont multipliées. Mais en visant les anciens débauchés du gouvernement, l'UMP fait aussi le procès de l'ouverture pratiquée par Sarkozy : « L'ouverture n'était pas la meilleure idée du monde », a ironisé le ministre des transports Thierry Mariani, qui en fut l'un des principaux détracteurs pendant cinq ans. Au bureau politique de l'UMP le sujet a été largement évoqué. En sortant, Jean-François Copé a tiré à boulets rouges. « Des gens qui doivent tant à Nicolas Sarkozy ! Ils n'étaient pas de sa famille politique, il leur a proposé de venir participer à un gouvernement qui allait bien au-delà de notre seule famille politique, que ce soit Fadela Amara ou même Hirsch », a-t-il expliqué, exprimant son « indignation » et sa « tristesse ».

Autre indicateur défavorable à l'UMP : en deux jours, deux tribunes, l’une de 42 économistes dans Le Monde, l’autre, dans Le Nouvel Observateur, de personnalités appelant à « un arc démocratique, autour de Hollande, qui doit aller du Modem au Front de gauche », ont été publiées.

Mais le coup de grâce, bien qu'indirect, est venu d’une ancienne ministre de Sarkozy. Mardi soir, Chantal Jouanno, aujourd'hui sénatrice de Paris, lâche un pavé dans la mare, sur son compte Twitter :


20 minutes, elle précise sa pensée : « J’ai eu des oppositions violentes avec Nicolas Sarkozy, notamment sur la taxe carbone. Il m’avait alors traînée dans la boue... Ou du moins, désavouée violemment. » Des « passes d’armes avec Sarkozy, il y en a eu d’autres », raconte-t-elle. Par exemple, « sur la réintégration de Franck Ribéry dans l’équipe de France ». A l’époque secrétaire nationale aux sports, elle s'y était opposée. « Nicolas Sarkozy m’a dit : ce n’est pas ton boulot. » Mais les désaccords « les plus violents ont été sur les questions écologiques. Tout le monde le sait, c’est de notoriété publique. »

 

Tollé à droite, au point que la sénatrice a dû rappeler « sa fidélité la plus sincère » à Sarkozy sur son blog. Ce « coup de poignard au moment crucial (...) de la part de quelqu'un qui a été un des espoirs de la majorité, est extrêmement décevant », assène Bertrand Lavaud, élu Nouveau Centre à Paris, dans Les Echos. Brigitte Kuster, maire UMP du XVIIe arrondissement, s'interroge quant à elle sur les raisons d'une « telle ingratitude » : « Le Président de la République était en droit, cinq jours avant le premier tour, d'attendre autre chose de celle à qui il a tant donné. »

Charles Beigbeder, candidat aux législatives dans le 12earrondissement, se dit « atterré du comportement incompréhensible de Mme Jouanno »« Jouer la défaite au profit d'une hypothétique carrière personnelle laisse à nos militants un goût amer de trahison », déplore ce proche de Copé. « J'estime qu'il faut garder un peu de constance à défaut de loyauté et ne pas se prononcer la veille de l'élection en fonction des derniers sondages », a également expliqué Laurent Wauquiez.

L’UMP est en panique. En témoignent les réactions désordonnées, voire violentes. Sur son compte Twitter, Christine Boutin se lâche envers son ancienne meilleure ennemie du gouvernement :

Toujours sur Twitter, Franck Staub, le chef de cabinet adjoint de la ministre Nadine Morano, renchérit :


Avant de devoir faire son mea culpa, quelques minutes plus tard :

 

« S'il y a échec, je serai le seul responsable »

Le camp Sarkozy s'emploie à rectifier le tir en alternant signaux au centre droit et vaste enfumage. Ces derniers jours, le candidat UMP a lancé des appels appuyés à Dominique de Villepin, notamment dans son entretien à L'Express. « Une mise en scène grotesque qui ne dupera personne », a répliqué l’entourage de l’ancien premier ministre. Le président sortant a aussi laissé entendre qu'il pourrait nommer François Bayrou à Matignon s'il était réélu.

« L'entourage de Sarkozy raconte que Bayrou appellera à voter pour lui. Pécresse, Juppé, NKM, etc., expliquent dans tous les médias qu’il ferait un excellent premier ministre. C’est une bonne stratégie, car cela le vide de sa substance électorale », expliquait il y a quelques jours à Mediapart un membre de la majorité. Mais pour l’instant, cette stratégie de l’UMP – déjà tentée plusieurs fois (exemple en juillet 2011) – ne fonctionne pas. François Bayrou, qui avait déjà qualifié d'« âneries » cette éventualité à Mediapart, le 14 avril, l'a redit mercredi à “Questions d'info” (LCP/Le Monde/AFP/France Info) : « L'idée que je pourrais me prêter à ce genre de manœuvre est une idée de gens qui ignorent absolument quel est mon parcours politique et au fond (...) ma vérité personnelle. »

Après un rassemblement à la Concorde qui n'a pas eu le résultat escompté et une avalanche de sondages catastrophiques, Nicolas Sarkozy tire ses dernières cartouches en direction de son adversaire. « Si la gauche remporte la présidentielle, elle aura tous les pouvoirs : médiatique, syndical, politique... Cela ne sera ni sain, ni équilibré pour la République » ; « C'est parce qu'il y a eu Jean-Marie Le Pen qu'il y a eu François Mitterrand », a-t-il répété ces deux derniers jours. Quitte à accumuler les contre-vérités.

En parallèle, le déchirement de la droite a commencé, comme Mediapart l'a racontéLe Canard enchaîné rapporte que Jean-François Copé aurait fait un gros caprice, le 14 avril, en apprenant qu’il prendrait la parole entre Xavier Bertrand et Alain Juppé au meeting de la Concorde. Le secrétaire général de l'UMP aurait téléphoné dans la minute à Guillaume Lambert, directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, pour changer l'ordre de passage des intervenants, menaçant : « Sinon, je ne prends pas la parole. »

Dans cette ambiance de défaite (racontée ici par Mediapart), seule la fédération UMP des Hauts-de-Seine veut croire à une« contagion » sarkozyste. « Vous allez voir le duel du second tour, il va en mettre une sacrée ! » a lancé Patrick Balkany à l'issue du meeting de la Concorde, à un jeune militant, à notre passage. « On a fait le job de la campagne présidentielle », se vantait, en bon élève, Roger Karoutchi, sénateur et secrétaire départemental du parti, à l'occasion d'une conférence de presse organisée le 16 avril à Suresnes.  

Dans les rangs UMP, la stratégie semble en tout cas avoir quelque peu changé. Finis les arguments sur la dynamique de premier tour, on mise tout sur le second. L'entourage de Sarkozy laisse croire que l'entre-deux tours va totalement rebattre les cartes en écartant les sept autres candidats, qui tous combattent le président sortant. « Les Français remettent toujours les compteurs à zéro au soir du premier tour », a expliqué Jean-François Copé, mercredi.

Nicolas Sarkozy, lui, continue à faire de cette élection un référendum pour ou contre lui. « Je me suis engagé dans cette campagne comme jamais je ne m’étais engagé », a-t-il expliqué sur BFM-TV, le 18 avril. « Cette campagne de 2012 est ma dernière »« S'il y a succès, nous y aurons tous contribué ; s'il y a échec, je serai le seul responsable », a-t-il dit dans un grand entretien à L'Express, la veille. Pas sûr que l'idée soit efficace.

Publié dans SARKOZY

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