Ségolène Royal, une défaite amère et un premier revers pour Hollande

Publié le par DA Estérel 83

Les Inrocks

 

 

Sèchement battue par le dissident Olivier Falorni à La Rochelle, Ségolène Royal se projette déjà dans les combats à venir. Quant à François Hollande, il subit le premier revers de son quinquennat.

 

Gonzalo Fuentes / Reuters

 

Dimanche soir, dans son bureau de l’Elysée, François Hollande est « plutôt satisfait » du résultat du second tour des législatives. Avec un Parti socialiste détenant la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il a les mains libres pour agir. Il sort renforcé de ce scrutin, à la veille d’échéances décisives en Europe, et notamment pour le dialogue qu’il entend nouer avec l’Allemagne d’Angela Merkel. Mais il y a une ombre, un revers, presque un remords. Ségolène Royal a été sévèrement battue par Olivier Falorni à La Rochelle.

Le dissident PS a été élu avec 62,97% des voix contre 37,03% à la présidente de la région Poitou-Charentes. « C’est la déception la plus grande », confie le chef de l’Etat à ses proches. Car son ex-compagne a dû mettre un genou à terre après une succession ahurissante de coups de théâtre dans la première circonscription de la Charente-Maritime.
Dimanche soir, dans les jardins du Muséum d’Histoire Naturelle de La Rochelle, l’ex-candidate à la présidentielle de 2007 fait front, bravement, enchaînant face au soleil couchant les interviews télévisées et les embrassades avec les militants.

Une “trahison politique”

Un peu à l’écart, son fils, Thomas Hollande, arrivé de Paris en fin d’après-midi, a la mine sombre des mauvais jours. Celle des jours de défaite, qui pour Ségolène Royal se sont succédé depuis cinq ans. Il y a eu la présidentielle de 2007, le congrès de Reims de 2008, la primaire de 2011. Cette fois, l’échec a le goût de l’injustice.

« Le résultat de ce soir est le résultat d’une trahison politique », déclare la candidate défaite, rompant l’embargo sur le verdict des urnes peu avant 20h00.

Elle reproche à Olivier Falorni de s’être maintenu au second tour alors qu’elle était arrivée en tête du premier tour et d’avoir accepté le report massif des voix de droite sur son nom. Déjà dissident, ce quadragénaire aux yeux bleus a foulé au pied la règle du désistement républicain. A son pupitre, devant les parterres de fleurs, Ségolène Royal cite Victor Hugo : « Toujours la trahison trahit le traître. Jamais une mauvaise action ne vous lâche. Sans rémission pour les coupables, Et le jour vient où les traîtres sont odieux même à ceux qui profitent de la trahison ».

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Dans la soirée, un orage terrible s’abat sur La Rochelle, un de ces caprices du ciel qui signalent aux mortels la colère des Dieux. Tonnerre, éclairs et grêle. Ségolène Royal est partie dîner chez elle, avec ses enfants. Avant de partir, elle a délivré un ultime message. A ceux qui espèrent son retrait de la vie politique, elle lâche : « Je n’ai pas gagné cette élection mais je garde intacte ma volonté de servir ce territoire. Je suis animée passionnément par l’amour de la France et le bien-être des Français. Je continuerai à peser sur les choix et sur la politique nationale que mènent Jean-Marc Ayrault et le président de la République ». Briguerait-elle par exemple la succession de Martine Aubry à la tête du PS à l’automne ? « Je n’exclus rien », répond-elle crânement. Comme par jeu. Ainsi va Ségolène Royal, touchée mais jamais coulée.

Mais la présidente de la région Poitou-Charentes n’est pas la seule victime de cette législative fratricide de La Rochelle. François Hollande a lui aussi été éperonné par le vaisseau d’Olivier Falorni, battant pavillon noir. Son autorité a été contestée, défiée. Dimanche soir, l’entourage du chef de l’Etat rappelle d’ailleurs que ce dernier s’est engagé « sans ambiguïté » derrière Ségolène Royal. Il y avait même un accord entre François Hollande et son ancienne compagne. Lorsqu’elle lui a apporté son soutien décisif au second tour de la primaire socialiste, en octobre, il a juré qu’il l’aiderait à briguer la présidence de l’Assemblée nationale, un poste dont elle rêvait déjà… en 1995.

« Ségolène a été correcte, elle s’était appliqué le non-cumul des mandats et avait laissé son siège de député. Elle aurait pu redemander sa circonscription à Delphine Batho dans les Deux-Sèvres, elle ne l’a pas fait. A-t-elle bien fait d’aller à La Rochelle ? Ce n’est plus la question. A partir du moment où elle était candidate, Falorni aurait dû se ranger », explique un proche du président.

Mais Olivier Falorni, « Hollandais » de longue date, et mieux même, « Hollandais quand Ségolène ne l’était pas », a refusé de se soumettre. La désignation de Ségolène Royal comme candidate, sans vote interne, une pratique pas fréquente mais néanmoins existante au PS, le conduit à rompre les amarres. Fin mars, il annonce sa candidature et est exclu du parti. En Charente-Maritime, il bénéficie de l’appui des socialistes qui n’ont jamais accepté Ségolène Royal comme présidente de région puis comme candidate à la présidentielle. Philippe Marchand, l’ancien ministre de l’Intérieur de François Mitterrand, Jean-François Fountaine, le rebelle du conseil régional, sont à la manœuvre. Certains évoquent l’ombre de Lionel Jospin, le retraité le plus célèbre de l’île de Ré, qui a consacré en 2007 un livre entier à Ségolène Royal pour dire tout le mal qu’il pensait d’elle.

Le 4 mai, Olivier Falorni fait six heures de route, aller-retour, pour assister au dernier meeting de François Hollande, à Périgueux. On est à deux jours du second tour de la présidentielle, la victoire du socialiste est certaine. Quand on lui demande ce qu’il fera si le nouveau président lui demande de se retirer de la course à La Rochelle, Olivier Falorni sourit : « François n’en fera rien et, s’il le faisait, je lui dirais non. Je n’accepterai aucune pression ». Le drame se noue. Ségolène Royal fait de son côté campagne jusqu’au dernier jour pour l’élection de François Hollande et commence tard sa propre bataille législative, laissant à Olivier Falorni le temps de dérouler son argumentaire sur son appartenance au terroir rochelais et sa légitimité d’apparatchik local du PS. Il ironise sur celle qui veut « se parachuter » au « perchoir » de l’Assemblée.

Au même moment, le très jospiniste Jean Glavany et Jack Lang font connaître leur appétit pour la présidence du Palais-Bourbon.
Avant le premier tour, se sentant menacée par une alliance implicite entre Olivier Falorni et l’UMP locale, sous l’influence de ses éternels ennemis, Jean-Pierre Raffarin et Dominique Bussereau, Ségolène Royal demande à François Hollande un soutien public. Le chef de l’Etat est prêt à lui apporter son aide, comme il le ferait pour tout candidat confronté à une dissidence, mais il s’interroge. Ce geste serait à ses yeux la traduction d’une « faiblesse » de la candidature de son ex-compagne.

Le soutien Hollande

Au soir du premier tour, tout change. Il y a urgence. François Hollande intervient, sans succès, auprès d’Olivier Falorni, qui se maintient. Il n’arrive pas davantage à le faire renoncer à l’utilisation du terme « majorité présidentielle » sur ses affiches. Le chef de l’Etat et Ségolène Royal se mettent alors d’accord : quelques mots présidentiels seront inscrits dans la profession de foi de second tour.
Depuis la primaire d’octobre, et la sévère défaite de la présidente de la région Poitou-Charentes, François Hollande et Ségolène Royal se reparlent de façon régulière. Leur séparation date d’il y a cinq ans, leurs relations sont apaisées. Pendant la campagne présidentielle, ils se téléphonent longuement, elle lui donne des conseils, il écoute.

Lorsqu’il arrive à l’Elysée, le chef de l’Etat raconte à l’ex-candidate de 2007 avoir retrouvé des huissiers qui officiaient déjà au palais présidentiel quand ils étaient de jeunes conseillers de François Mitterrand, en 1981. Leurs quatre enfants, dont l’aîné, Thomas, a participé à leurs campagnes présidentielles, sont autant de traits d’union entre le passé et le présent. Mais François Hollande et Ségolène Royal sont avant tout des animaux politiques. Le « deal » passé en octobre doit être respecté et le soutien promis doit être apporté. Et ce d’autant plus que, si Olivier Falorni ne s’était pas maintenu, Ségolène Royal aurait sans doute été élue au premier tour à La Rochelle.
Mais, mardi 12 juin, peu avant midi, la campagne bascule. Sur son compte Twitter, Valérie Trierweiler, la compagne du président, fait part de ses encouragements à… Olivier Falorni, « qui n’a pas démérité, et se bat auprès des Rochelais depuis tant d’années dans un engagement désintéressé ».

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Le mélange privé-public, que François Hollande a tant décrié chez Nicolas Sarkozy durant la campagne, lui revient comme un boomerang. La droite exulte. Le chef de l’Etat est devenu « l’arroseur arrosé ». Des responsables PS essayent bien de trouver des traces machiavéliques dans ce « tweet », certains y voient un « double jeu » du président, qui soutiendrait Ségolène Royal tout en chargeant sa compagne de briser l’isolement d’Olivier Falorni. Las. L’explication surgit très vite : c’est parce qu’elle n’a pas été tenue au courant du mot de soutien de François Hollande sur la profession de foi de Ségolène Royal que Valérie Trierweiler a « pété un plomb », selon l’expression d’un proche du chef de l’Etat. Elle a aussi voulu signifier sa reconnaissance à un « Hollandais de toujours », injustement lâché, selon elle, par le président et le PS. Bref, elle a tout mélangé, piétinant l’image que François Hollande s’était appliqué à donner à ses débuts présidentiels : celle d’un homme simple, discret, entièrement consacré à sa tâche, en pleine crise européenne.

Ségolène Royal met vingt-quatre heures à réagir. Et, quand elle le fait, dans un meeting à La Rochelle, c’est pour se dire « meurtrie ».

« Moi les coups, je peux les encaisser. Ce n’est pas évident. Trop c’est trop, il y a des coups inimaginables, incompréhensibles, violents. J’ai la responsabilité de mener un combat politique. Mais je demande le respect à l’égard d’une femme politique, d’une mère de famille, dont les enfants entendent ce qui est dit », ajoute-t-elle, la voix sourde, les larmes aux yeux.

Le message est directement adressé au père desdits enfants… François Hollande. Dimanche soir, dans les jardins rochelais, Ségolène Royal reparle de cette incursion de Valérie Trierweiler sur son terrain électoral : « Je pense que ça n’a pas arrangé les choses, pourrais-je dire pudiquement ».

A l’Elysée, François Hollande est toujours sous le « choc » du « tweet » du 12 juin. Il sait que ses enfants ont été blessés. Il doit aussi chercher à rebâtir le mur entre vie publique et vie privée qu’il s’est engagé à ne pas franchir pendant son quinquennat. La clarification du rôle de Valérie Trierweiler ne pourra pas attendre longtemps. Attaché à sa liberté, mais aussi à celle des autres, détestant les conflits, le chef de l’Etat répugnait jusqu’alors à intervenir auprès de sa compagne, dont les colères liées à sa jalousie excessive à l’encontre de Ségolène Royal ont émaillé la campagne présidentielle.

Les hésitations de Valérie Trierweiler sur son rôle de « première dame », un statut qui n’a pas d’existence légale en France mais qui s’est forgé au fil des ans, présidence après présidence, et ses interrogations sur la poursuite de son métier de journaliste ont contribué à brouiller davantage encore son image. La compagne de François Hollande doit aussi désormais accepter l’inévitable : la brûlante défaite de Ségolène Royal à La Rochelle signe une dette non honorée du chef de l’Etat vis-à-vis de celle qui l’a soutenu loyalement pendant sa campagne présidentielle. On n’a pas fini d’entendre parler de l’alliance politique entre François Hollande et Ségolène Royal.

Publié dans HOLLANDE

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