«Tu comprends, j'ai un Off avec Ségo!»

Publié le par DA Estérel 83

Mediapart-copie-127 Août 2010 Par 

 

Avant d'entrer dans cet article, l'on doit la plus totale transparence à nos lecteurs: depuis que Mediapart existe et couvre les universités d'été de La Rochelle, soit trois éditions, jamais nous n'avions eu la chance d'être invité à l'un de ces fameux «Off» dont raffole la gent médiatico-politique. Etait-ce pour compenser l'absence totale de réponse à une demande récurrente d'interview estivale? Ségolène Royal aura été la première à nous offrir ce Saint-Graal de la reconnaissance professionnelle: une invitation à dîner pendant «La Rochelle».

On n'était pas peu fier. On a même négocié avec notre hébergeur à La Rochelle (une amie d'amie) de pouvoir arriver un jour plus tôt, pour l'occasion. «Tu comprends, j'ai un Off avec Ségo!» Et on allait voir ce que l'on allait voir. Vu le contexte, si elle nous invite à manger au début de La Rochelle, c'est qu'elle va annoncer du lourd. Obligée.

Ce n'était qu'au premier étage de l'hôtel Mercure (et pas «chez Jean-Louis» ou «chez Michel», ou «chez René», on ne sait plus, on les confond...), mais c'était quand même un Off. Pas n'importe quoi. Qui sait si on n'allait pas avoir droit à une déclaration de candidature? Ou au moins un de ces passionnants «J'y pense» qui font l'histoire politique.

Au rez-de-chaussée de l'établissement, à 20h30 pétantes (comme demandé sur le mail), on était là, carnet et stylo bien planqués dans la poche arrière du jean. Après avoir papoté avec la foule de photographes et de cameramen faisant le pied de grue sur le parking, on se décidait à affronter l'escalier menant au resto, pour accéder à la table de ceux qui comptent.

Las, on a eu un peu de mal à ne pas cacher notre égoïste déception devant les trente confrères sirotant un «Pineau des Charentes», blanc ou rouge, au choix. Avec bien moins de retard que pronostiqué par la confrérie (misant sur «une heure, voire une heure et quart, le truc habituel»), la présidente de Poitou-Charentes est arrivée après trois quarts d'heure d'attente. Apaisée mais volontaire. Un quart d'heure pour répondre aux télés et radios l'assaillant sur le perron mercurien, et la voilà qui arrive à l'étage. «Vous avez eu le temps de boire de ce bon Pineau, au moins?», lâche-t-elle en toute décontraction, avant d'ajouter: «Mais ne faites-pas les timides, prenez des coquillages et asseyez-vous!»

Et là, deuxième déception.

«Ça se passe comment, là?» C'est vrai qu'on en a un peu honte, de cette question. Mais on décide quand même de la poser, car on ne parvient pas à maîtriser le concept de la femme politique dînant en off avec trente journalistes. «Ben, tu vois un mariage? tu vois un speed-dating? C'est entre les deux. Le tout, c'est d'être à la table de la mariée, et d'arriver à la séduire un peu.» Autant dire de suite qu'on s'est retrouvé avec l'oncle sympa, mais avec qui il faut sortir les avirons au bout d'un moment.

Pas assez rapide sur le buffet, on a hérité de la troisième table la plus proche de «Ségo» (oui, car entre journalistes, on dit «Ségo»). Résultat: les copains du Figaro, L'Express, Lepoint.fr et Lesinrocks.com. Et Maxime Bono, le maire de La Rochelle, le proche de Ségolène Royal présent ce soir-là. Oui, car le porte-parole Guillaume Garot (député et maire de Laval) n'est venu qu'à la fin. Quant à Jean-Louis Bianco, il avait choisi d'inviter d'autres journalistes à une autre table de la ville portuaire, pour évoquer sa potentielle candidature aux primaires et son livre à paraître bientôt.

Au milieu des langoustines, du foie gras et du carpaccio, notre table n'a longtemps été qu'impatience, avec «Ségo» dans le rétroviseur. Celle-ci se confiait à d'autres pendant que nous, nous devisions du sexe des anges avec Maxime Bono. De l'importance relative des sondages, des qualités et gros défauts du Vert Jean-Vincent Placé (ancien du cabinet de Michel Crépeau, lui-même ancien maire de La Rochelle), ou des chances de l'équipe de rugby rochelaise de se maintenir en Top 14... Oui, on a aussi essayé de le questionner sur les ambitions présidentielles de sa championne, mais il n'en savait fichtrement rien.

Et puis, après s'être resservi deux fois en langoustines, et de façon illimitée en vin (l'avantage d'être à la table du maire), on a vu arriver «Ségo». On se doutait bien, il faut dire. On avait remarqué comment une serveuse avait discrètement greffé une chaise et une assiette de desserts à notre table.

«Ooooh, c'est très bien ces gâteaux!» On allait enfin savoir.

Etrange exercice, que de devoir interviewer une ancienne candidate à la dernière présidentielle et peut-être à nouveau prétendante à la prochaine, entre dessert et café (ce dernier sera réservé à nos amis de la télé). A ce moment, on se doute qu'on aura droit à un quart d'heure maximum, autant que les deux tables précédentes. Et on sait déjà qu'on n'aura rien.

Ce qu'on retiendra de «Ségo»? Une vraie présence, une stature empêchant la moindre connivence, une persuasion dans le propos. Elle dit vouloir être une porte-parole de «ceux qui n'ont pas voix au chapitre et qui doivent se faire entendre», «faire en sorte que les gens ne soient plus oubliés, broyés». Elle dit vouloir «aller régulièrement dans les quartiers difficiles», comme elle le fera à Arcueil, avant sa fête de la fraternité de mi-septembre. Autant de sujets qu'on aurait aimé creuser, mais qu'on ne pouvait pas...

«Ségo» estime aussi que la sécurité sera «un des thèmes importants» de la prochaine campagne présidentielle, avec «la question sociale». «C'est un sujet qu'il faut se réapproprier, explique-t-elle, car c'est un domaine où Sarkozy a échoué!» Son point de vue sécuritaire est vite expédié:«prévention, éducation, répression, alternative à la prison».

Comme il faut bien parler cuisine interne et présidentielle, on apprend aussi que «Martine n'est pas en désaccord avec (s)on discours», et aussi qu'elles ont eu l'occasion d'en discuter le matin même, au QG de «Ségo», boulevard Raspail à Paris. «Nous sommes des femmes responsables, on veut que tout se passe bien. Les socialistes doivent être unis. On ne peut pas gagner sur le seul rejet de la droite.» 
C'est alors qu'elle se met à parler de primaires.

Pour «Ségo», les primaires doivent être «transparentes, ouvertes, démocratiques» et plein d'autres adjectifs encore. Elle confirme vouloir participer à un «dispositif gagnant» avec Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry, sorte de pacte entre les trois cadors pour s'entendre entre eux sur le meilleur d'entre eux. On objecta alors de la contradiction entre la promesse d'une primaire populaire, faisant départager par les citoyens charismes et visions du monde, et un prosaïque accord de coulisses.

«Ce ne sera pas un accord de coulisses. Mieux vaut se mettre d'accord avant. On le fera de façon publique. Ce ne sera pas dans le dos des citoyens. La présidentielle, c'est une épreuve. Ce n'est pas un jeu. Ce ne sont pas des trucs d'ego. Ce ne sont pas des élucubrations personnelles.»

L'assiette de gâteaux est finie. Ceux de la télé attendent pour le café. Elle n'est plus là. On reste avec Maxime Bono. On boit un dernier verre, et on s'en va. En se disant que c'était vraiment vachement... vachement... vachement quoi, au fait?

Publié dans PS

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article