Sarkozy se prend au piège de la surenchère à droite

Publié le par DA Estérel 83

LeMONDE

 

 

Nicolas Sarkozy, le 3 mars à Bordeaux.

 

C'est l'arroseur arrosé. Cet hiver, Nicolas Sarkozy raillait François Hollande, qui n'en finissait pas de relancer sa campagne. C'est à lui de le faire cette semaine, moins de vingt jours après sa déclaration de candidature, qui n'a pas donné le sursaut escompté dans les sondages. Au contraire, après une légère remontée, le candidat de l'UMP se voit de nouveau distancé par son adversaire socialiste. Cette semaine, il joue son va-tout.

Déplacement lundi à Saint-Quentin (Aisne), chez Xavier Bertrand, dans un centre de réinsertion pour mineurs délinquants ; émission sur France 2, mardi soir, où il débattra avec l'ancien premier ministre Laurent Fabius ; intervention sur RMC face aux auditeurs jeudi matin, puis meeting à Firminy (Loire), près de Saint-Etienne. Petite réunion électorale pour ne pas déshabiller la grand-messe à Villepinte (Seine-Saint-Denis) du dimanche 11 mars. Il s'agira, dans une démonstration de force, de rassembler plusieurs dizaines de milliers de militants, d'exposer le programme du candidat et d'accomplir ce que François Hollande a réalisé au Bourget début janvier.

Nicolas Sarkozy moquait François Hollande, qui avait grillé toutes ses cartouches en exposant ses propositions. Le candidat UMP comptait dicter l'agenda médiatique, en imposant un thème par semaine et s'imposer en "bête de campagne". C'est l'inverse qui se passe. François Hollande domine le débat, avec ses propositions sur la taxation à 75 % des revenus supérieurs à 1 million d'euros, et distille ses idées sur l'exigence de la parité, le retour sur la réforme des collectivités territoriales, etc.

 "GROS ROUGE QUI TACHE"

Les thèmes de M. Sarkozy ne prennent pas : ses propositions économiques ont été occultées par celles de M. Hollande, celles sur l'éducation n'ont pas "infusé", selon l'expression d'un proche du candidat. Surtout, même le "gros rouge qui tache" ne suscite plus les polémiques espérées. C'est ce que constate avec affliction un ministre, au lendemain du discours de Bordeaux sur la République.

Samedi, le candidat UMP a proposé la traçabilité de la viande halal, la mise sous conditions économiques du regroupement familial et la possibilité aux victimes defaire appel d'un procès d'assises ou d'une remise en liberté. "On a flirté avec la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme. On fait des coups, mais on n'inverse pas la tendance", déplore un conseiller de l'équipe de campagne, qui constate que la méthode Sarkozy de 2007 ne fonctionne plus. "Les gens en ont marre de ce genre de propositions. Trop de transgression tue la transgression."

Lire : Sarkozy : "L'immigration peut être un problème"et "Dans la République, il n’y a pas de place pour la lutte des clans et la lutte des classes"

STATURE PRÉSIDENTIELLE ABANDONNÉE

Et lorsqu'il ne clive pas, le discours du chef de l'Etat est simplifié. A Bordeaux, il n'a pas dit, comme le stipulait son texte et comme l'avait dit plus tôt sa plume volubileHenri Guaino"l'immigration est un problème". Il a tenu un propos beaucoup plus mesuré : "L'immigration est une chance, mais elle peut être un problème."

A droite, on s'interroge. D'abord sur la stratégie. En redevenant candidat, Nicolas Sarkozy a, par définition, abandonné la stature présidentielle qu'il avait eu tant de mal à se forger, et redevient ce qu'il est, retrouve son tempérament qui avait tant séduit en 2007 et tant déplu ensuite. "La campagne rappelle les bons mais aussi les mauvais souvenirs. Nous sommes dans une discordance stratégique", analyse un ministre.

"Il est encalminé", constate un conseiller du président. "Il faut quelque chose qui mette le bateau en mouvement. Et le fait que la crise de l'euro s'éloigne ne donne pas des vents porteurs", poursuit ce conseiller alors que la crise de l'euro est sortie de sa phase la plus aiguë dès décembre 2011.

 LES CRITIQUES GRONDENT

Déjà, on cherche des coupables. Certains responsables s'en prennent à la porte-parole, Nathalie Kosciusko-Morizet, accusée d'avoir plus attaqué les propos deClaude Guéant, liant viande halal, communautarisme et vote des étrangers, que relayé la parole présidentielle. Faire ce lien "n'est pas nécessaire", a expliqué MmeKosciusko-Morizet. Les critiques grondent contre l'équipe de campagne, à laquelle on reproche à la fois d'être composée de jeunes inexpérimentés et de revenants.

Après les incidents de Bayonne, Guillaume Lambert, le directeur de campagne, est accusé de ne pas avoir l'expérience d'un Claude Guéant. L'idée de limoger le préfet des Pyrénées-Atlantiques a été évoquée avant d'être récusée –"Nos adversaires n'attendaient que cela"–, tandis que Nicolas Sarkozy est entré dans une colère noire contre son cabinet.

Les rédacteurs du programme, Jean-Baptiste de Froment et Sébastien Proto, sont bien jeunes. Et le retour d'Emmanuelle Mignon reflète plutôt l'impasse intellectuelle du sarkozysme qu'une marche en avant. "Des jaloux", répond l'un d'eux, tandis qu'un autre concède : "Il y a de la fébrilité." En tout cas, il n'y a pas de poids lourds politiques dans la boucle. Il est vrai qu'une partie des quadras chiraquiens, commeValérie PécresseFrançois Baroin ou Bruno Le Maire, sont peu présents.

 21 AVRIL À L'ENVERS

Certains estiment, sans être entendus, que le président devrait creuser son sillon, en cessant d'attaquer sans cesse François Hollande. "Ce doit être pour l'entre-deux-tours. Pour le moment, il faut le renvoyer à son inconsistance", exhorte un membre de l'équipe.

Surtout, M. Sarkozy est incapable de courir sans regarder le couloir d'extrême droite, celui de Marine Le Pen. L'entourage du chef de l'Etat estime que la candidate du FN devrait finalement obtenir ses 500 parrainages. Pendant des semaines, le politologue Patrick Buissonconseiller du président, a jugé que MmeLe Pen faisait une mauvaise campagne, en se concentrant sur les thèmes économiques et sociaux. La voilà qui revient à ses fondamentaux régaliens, sur la viande halal et l'immigration. "Si elle se recentre sur ces sujets, elle a plus de chance de remonter que si elle fait du pseudo-Mélenchon", s'inquiète un membre de l'équipe.

On se rassure en affirmant que Mme Le Pen ne rattrapera pas M.Sarkozy, et que l'on ne courra pas le risque d'un "21 avril à l'envers". Un conseiller espère qu'il existe un sarkozysme honteux. Que le secret de l'isoloir permettra à la France silencieuse, dont Nicolas Sarkozy s'est voulu à Bordeaux le porte-parole, d'exclurecette issue humiliante.

Arnaud Leparmentier

Publié dans SARKOZY

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