Révoltes arabes: le temps des islamistes

Publié le par DA Estérel 83

CL11112010

 

 

Tension extrême en Égypte, poursuite du bain de sang en Syrie, affrontements interconfessionnels au Yémen, spectre de la charia en Libye, confirmation de la poussée islamiste dans les urnes au Maroc... Depuis l'étincelle de décembre dernier en Tunisie, le Printemps arabe joue les prolongations dans des convulsions où le rêve démocratique semble encore très loin d'émerger. Chacune des crises actuelles a ses propres spécificités. Quand les militaires s'accrochent désespérément au pouvoir au Caire et par les armes à Damas, Mohamed VI tente au Maroc une transition «en douceur» qui préserverait son statut de «Commandeur des croyants» et sa mainmise sur l'économie du pays.

Mais au-delà de différences bien réelles sur les plans économique et géostratégique, tous ces pays ont d'abord en commun un lourd passif de népotisme et de corruption qui a fait littéralement le lit politique des islamistes. Tout comme l'influence grandissante des Frères musulmans en Égypte, la victoire du mouvement Ennadha en Tunisie ou encore les velléités d'instaurer la charia à Tripoli, la poussée déterminante du Parti Justice et Développement (PJD) aux législatives marocaines n'est en rien une surprise. Parfois bannis et pourchassés, mais souvent tolérés sous le couvert caritatif de leurs associations, les mouvements islamistes ne représentent sans doute pas l'idéal des manifestants des grandes places arabes. Mais en l'absence d'alternatives politiques organisées, les «barbus» incarnent, faute de mieux, le meilleur rempart contre la poursuite des dictatures et de la corruption. L'acte II des révolutions arabes confirme scrutin après scrutin l'avènement à hauts risques du temps des islamistes.

Pour se rassurer, nombre de démocrates des pays arabes veulent croire à des régimes à la Turque, à un islam «modéré», soluble dans la démocratie et garantissant un minimum de libertés individuelles. Peuvent-ils pour autant ignorer, les risques inhérents à tout régime théocratique qui, dans ses fondements mêmes, nie les droits fondamentaux sur les libertés de croyance et d'expression ? Les contre-exemples de la Révolution iranienne et d'une théocratie saoudienne foulant aux pieds en toute impunité les plus élémentaires des droits individuels devraient inciter les révolutionnaires arabes à réfléchir avant de confier leur destin aux islamistes. À moins bien sûr qu'ils rejoignent le tout récent avis du pape Benoît XVI pour qui l'organisation laïque des sociétés démocratiques «renonçant à toute référence à la transcendance, s'est révélée incapable de préserver l'humanité» et «a conduit à la crise que nous vivons aujourd'hui, crise du sens et des valeurs, avant d'être crise économique et sociale».

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