Président un jour, ne le reste pas toujours

Publié le par DA Estérel 83

BlogeursAssociés  Par Philippe BILGER

 

 

Quel candidat sera Nicolas Sarkozy ? Nous l'avons connu en 2007 lors de sa campagne, quelle stratégie va adopter le président d'aujourd'hui lorsqu'il va officialiser sa candidature ? Philippe Bilger essaye tente d'éclaircir le sujet en dressant un portrait chronologique du président et de son mandat.


(Nicolas Sarkozy - Flickr - cc)
(Nicolas Sarkozy - Flickr - cc)
Bien sûr, il y a cette modestie feinte, la reconnaissance de quelques erreurs et de certaines faiblesses, mais vite suivies par une vanité qui, pour être consubstantielle au personnage, n'en est pas moins insupportable. 

Bien sûr, il y a cette arrogance qui, lassée d'être reléguée par le minimalisme du « je serai le moins mauvais du lot en 2012 », s'exprime par le jeu du on et du off, instrumentalisant journalistes et parlementaires chargés de diffuser des confidences destinées à être éventées. 

Bien sûr, il y a ce manque d'allure moquant l'enfarinade de François Hollande qui en plus « aurait tiré toutes ses cartouches » et, le comble, sur le fond, ce reproche de n'avoir pas de vision et de se livrer au clientélisme. On se demande si cette critique n'aurait pas dû s'orienter ailleurs (Le Monde, Marianne 2, nouvelobs.com)! 

Bien sûr, il y a le ridicule de ce candidat-président qui, lors de ses déplacements, fait appel à des figurants pour gonfler la masse autour de lui comme s'il craignait que la rareté fût révélatrice de l'état de l'opinion ! 

Bien sûr, il y a eu, sur le plan technique, l'extraordinaire candidat de 2007 mais, même si Nicolas Sarkozy songe avec nostalgie, paraît-il, à ce grand moment, 2012 confrontera le talent intact du candidat à des limites qui n'existaient pas il y a cinq ans. Alors, il n'avait à se soucier que de son projet, que des espérances dont celui-ci était porteur. Il avait la chance de n'être tourné que vers l'avenir sans avoir à se préoccuper véritablement du parcours de ses rivaux. 

Tout entier tendu vers son but, il ne gaspillait pas son énergie dans des échanges sarcastiques faussement secrets qui révèlent plus d'inquiétude que de lucidité. Ce qui risque d'entraver l'outsider dans quelques semaines, en dépit de son aptitude à oublier, comme tout combattant, son passé et son passif ( les droits sont réservés à François Mitterrand!) sera tout de même le poids du bilan qui lui sera inlassablement rappelé et le fait qu'il sera obligé d'accepter non plus une course solitaire mais une empoignade collective. Il ne pourra pas détourner les yeux et l'esprit de ses concurrents et foncer comme en 2007.

SE MÉFIER DU SERPENT QUI DORT

Son élan de candidat, aujourd'hui, sera inévitablement freiné. 
Bien sûr, il a ces sondages qui, pour les deux hommes de tête, semblent constants avec un écart sensible en faveur de François Hollande même si le président se dit satisfait de ses « 25 % » alors qu'il n'est pas encore candidat. Paradoxalement, n'est-il pas plus en grâce aujourd'hui qu'il ne le sera demain ? Plus protégé par la fonction présidentielle que propulsé par le statut de candidat qui a déjà servi ? 

Mais, en dépit de ces obstacles à la fois personnels et politiques, il serait absurde de s'imaginer la cause entendue et Nicolas Sarkozy inéluctablement abattu. Rien de pire, à ce sujet, que de fonctionner sur un mode simple, voire simpliste, en déniant toute complexité à la personne présidentielle et à ses oeuvres durant le quinquennat. 

Ces dernières, certes, ne seront plus de nature à convaincre ceux pour lesquels, irréversiblement, l'être Nicolas Sarkozy, égaré dans le rôle présidentiel, à la recherche désespérée d'une majesté et d'une allure qui lui échapperont sans cesse, ne pourra jamais correspondre à ce dont ils avaient besoin plus que tout : une incarnation républicaine dont ils puissent être fiers. 

Cette fixation sur la personne peut être jugée peu sérieuse, voire immature sur le plan de l'analyse politique, et il est vrai qu'elle a pour conséquence d'occulter la réalité des actions pour ne se concentrer que sur la manière de les accomplir et le comportement public de qui les a engagées. Il y a de l'injustice dans cette exaspération citoyenne — le défaut d'affection de la part des Français, qu'a évoqué récemment Claude Guéant — mais la société n'est pas coupable ni responsable de ce sentiment mais celui qui l'a fait naître et se développer. Au point de constituer un impressionnant élément à charge et un handicap lourd pour Nicolas Sarkozy. 

Mais, pour la multitude des militants et citoyens opposés à ce Pouvoir par détestation de sa politique, il convient qu'ils ne tombent pas dans un piège qui renvoie à la nature très particulière du sarkozysme : agitation mais aussi action, dérives mais aussi avancées, désastre de l'Etat irréprochable mais, par exemple, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), une politique gérée et imposée par à-coups, erratique dans la méthode, souvent illisible mais avec des fulgurances, quelques réussites, des engagements partiellement tenus même si des promesses se sont souvent retrouvées exsangues dans le réel, beaucoup de vent et de discours mais ici ou là autre chose que du volontarisme abstrait, Antigone de façade mais un zeste de Créon qui assume !

« LE SARKOZYSME N'EST PAS UN BLOC »

Si on veut s'attacher à deux thèmes fondamentaux : les médias et la justice, on verra mieux comme le sarkozysme est une tension entre le pire et le meilleur, un soupçon permanent mais une démocratie tout de même vivante, des médias aux mains des puissances d'argent mais une contestation inlassable, souvent virulente du président, de toutes ses attitudes intimes et publiques, de sa politique. 

En même temps qu'on dénonce l'emprise de l'argent et du pouvoir économique, Nicolas Sarkozy est sans cesse dénoncé. Je ne le regrette pas, je le constate pour qu'on en tire la conclusion qu'on se trouve dans une République imparfaite, mais que celle-ci préjudicie autant aux élites qu'à la société civile. 

Il y a une justice politique sur laquelle le pouvoir pèse. Il y a eu, il y a des affaires dont le traitement n'a pas été honorable sur le plan de l'Etat de droit. Je regrette que ces derniers temps, une accélération ait été donnée à des processus disciplinaires et j'ai écrit déjà ce que j'en pensais. 

Il y a une méfiance justifiée, des craintes légitimes, un président qui n'aime pas plus la magistrature qu'hier mais qui cache mieux son dissentiment et rend moins ostensibles ses préférences. Il n'empêche que les instructions à Bordeaux avancent, qu'Eric Woerth sera peut-être mis en examen et que Nicolas Sarkozy, redevenu un jour simple particulier, sera aussi sur la sellette, que Karachi, sous son double aspect, progresse, que Philippe Courroye a été mis en examen pour les fadettes de Nanterre, qu'il y a des magistrats plus forts que ce qui pourrait tenter un Pouvoir en fin de quinquennat: étouffer le souffle de la Justice. 

Mais la justice a du souffle. Les médias accablent quand ils en ont envie. La vie coule bon gré mal gré dans les veines de la démocratie. 
Le Sarkozysme n'est pas un bloc. 

Publié dans SARKOZY

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