Pourquoi les riches pourraient payer moins d'ISF

Publié le par DA Estérel 83

L'Expension Emilie Lévêque -  19/07/2010 

Un contribuable a déposé un recours devant le Conseil constitutionnel visant à remettre en cause l'impôt de solidarité sur la fortune. Si les sages du Palais Royal reconnaissent le bien fondé des arguments, les redevables de l'ISF pourraient voir leur facture s'alléger. Explications.

C'est quoi déjà l'ISF ?

L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a succédé à l'impôt sur les grandes fortunes (IGF) créé en 1982 par Pierre Mauroy. Cet impôt sur le patrimoine était l'une des 101 propositions de François Mitterrand lors de la campagne présidentielle de 1981. Instauré par la loi de finances de 1989, l'ISF reprend les principes et la philosophie de l'IGF, supprimé en 1987 par le gouvernement de Jacques Chirac lors de la première cohabitation.

Qui le paie ?

Les personnes physiques et les couples domiciliés fiscalement en France qui disposent d'un patrimoine (immobilier, mobilier et financier) net supérieur à 790.000 euros au 1er janvier 2010. Il en est de même des personnes physiques qui n'ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y possèdent des biens d'une valeur nette dépassant 790.000. L'ISF est un impôt progressif  assis sur la partie supérieure du patrimoine, à un taux allant de 0,55% à 1,80%.

Combien rapporte-t-il ?

559.227 contribuables ont payé l'ISF en 2009, contre 565.966 en 2008. Les recettes de cet impôt se sont élevées à 3,266 milliards d'euros, soit une baisse de 17% par rapport à l'année précédente. Le rendement de cet impôt est en baisse constante depuis trois ans. Une baisse liée à la crise financière, mais aussi peut-être à la poursuite de l'exil fiscal des Français les plus fortunés, malgré le bouclier fiscal.

Voir notre diaporama : Où habitent les Français les plus riches?

Qui conteste la constitutionnalité de l'ISF ?

Alain Mathieu, président de Contribuables Associés. Cette association, qui compte 146.000 membres, milite contre "l'oppression fiscale et la pression des contribuables". M. Mathieu est accompagné dans sa démarche par le cabinet d'avocats Delsol. La procédure est celle de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Elle permet depuis le 1er mars à un citoyen de saisir le Conseil constitutionnel pour lui demander de censurer une loi existante qu'il juge porter atteinte aux droits garantis par la Constitution.

Sur quels motifs ?

Trois arguments sont mis en avant pour contester la légalité de l'ISF. Tout d'abord, la distinction faite pour la déclaration commune du foyer fiscal assujetti à l'ISF entre les concubins notoires (couples non mariés ni pacsés mais qui peuvent prouver sans difficulté qu'ils vivent sous le même toit) et les concubins non notoires, explique Frédéric Subra, avocat associé au sein du cabinet Delsol. Ces derniers n'ont en effet pas obligation de faire une déclaration commune de leur patrimoine. Le deuxième argument met en cause l'absence de quotient familial pour l'ISF contrairement au calcul de l'impôt sur le revenu. Enfin, le troisième argument porte sur l'assiette de l'ISF qui inclut l'ensemble des biens du foyer fiscal, même ceux qui ne produisent pas de revenus (par exemple des bijoux ou des meubles). Sur les deux derniers points, "l'ISF déroge au principe d'égalité devant la loi en ce qu'il n'est pas déterminé en fonction des capacités contributives de chacun", souligne Frédéric Subra.

Que va décider le Conseil constitutionnel ?

Les Sages du Palais Royal ont trois mois pour rendre un avis suite à leur saisine. Leur décision est donc attendue pour septembre. Première hypothèse : ils jugent les trois arguments irrecevables. Dans ce cas, le débat est clos. Seconde hypothèse : ils valident un, deux voire les trois arguments. Dans ce cas, l'ISF dans sa forme actuelle ne pourra plus être appliqué car son caractère inconstitutionnel aura été reconnu. En conséquence, le législateur devra en modifier certains paramètres, par exemple introduire  un quotient familial si cet argument est jugé recevable par le Conseil constitutionnel. Ou encore exclure les biens non productifs de revenus de l'assiette du patrimoine déclaré. Ce qui reviendrait à baisser le montant des sommes récoltées au titre de l'ISF. Ces modifications devraient alors être incluses dans le projet de loin de finances pour 2011.

L'ISF risque-t-il d'être supprimé ?

La procédure vise au mieux à modifier certaines conditions de l'ISF mais ne remet pas en cause son existence. "Supprimer l'ISF est une démarche politique", souligne Frédéric Subra. Justement, au sein de la majorité, plusieurs voix - notamment le président de la commission des Finances du Sénat  Jean Arthuis et le rapporteur général du Budget au Sénat Philippe Marini - réclament une remise à plat du système fiscal via la suppression de l'ISF et du bouclier fiscal et la création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu. Mais ce n'est pas à l'ordre du jour. Lors de son intervention télévisée le 12 juillet 2010, Nicolas Sarkozy a affirmé au journaliste David Pujadas qu'il ne toucherait pas à l'ISF. "J'ai refusé de supprimer l'impôt sur la fortune en France parce que je considère qu'il est normal de payer des impôts lorsque l'on a de l'argent. Et je ne le supprimerai pas", a déclaré le chef de l'Etat.  

 

Publié dans Economie

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