Pour plaire à Medvedev, Sarkozy oublie la laïcité
En octobre 2007, lorsque le patriarche de Moscou (décédé en décembre 2008) rencontreNicolas Sarkozy à Paris. Le religieux réclame que ses ouailles aient un lieu de culte digne de ce nom dans la capitale. Il existe bien une cathédrale orthodoxe sur la rue Daru (8e arrondissement) mais elle dépend du patriarche de Constantinople, autre courant de l’orthodoxie. L’affaire est prise très au sérieux par Moscou, ce qui n'est guère étonnant dans un pays où l’Eglise orthodoxe reste très puissante.
En septembre 2009, le ministère du Budget lance un appel d’offres pour vendre le site du Quai Branly. Le Canada et surtout l’Arabie Saoudite sont aussi en lice aux côtés de Moscou. Lors du Sommet de Copenhague en décembre 2009, Nicolas Sarkozy et Dimitri Medvedev discutent du sujet. Le président russe lui fait alors part du projet de cathédrale orthodoxe.
Medvedev a-t-il essayé de forcer la main à son homologue français ? Toujours est-il que, selon Le Nouvel Observateur, le chef de l’Etat appelle directement depuis Copenhague Eric Woerth, encore ministre du Budget. Contactés par Marianne2, l’Elysée et le ministère du Budget n’ont pas répondu à nos questions. Finalement, en février 2010, Bercy annonce que l’Etat russe remporte la partie. Il n'existe aucune communication officielle sur le prix mais on parle d’une somme de 60 millions d’euros au bénéfice du désendettement et du ministère de l’Ecologie. Histoire de remplir ses caisses, l’Etat a ainsi vendu plusieurs de ses bâtiments. Pour 2011, il espèregagner ainsi 400 millions d’euros .
Si la France tire un beau bénéfice économique du projet, Moscou en espcompte un beau bénéfice politique. D’ailleurs, le jury qui sélectionné en mars dernier l’équipe d’architectes (Sade et Arch Group) était présidé par Vladimir Kozhin, ex du KGB, directeur du département du patrimoine pour la présidence russe. Selon le Nouvel Obs, Le haut fonctionnaire étaitégalement à la manœuvre pour influer sur les autorités françaises sur la vente du terrain du quai Branly. C’est également lui qui a signé la vente finale avec Eric Woerth. L'ambassade de Russie a également suivi le dossier, qui a d'ailleurs annoncé lui-même le résultat du concours international d'architectes.
Cette présence permanente de Moscou, de ses hommes et de son argent dans une affaire religieuse en France devrait faire tiquer tous les partisans de la laïcité. Ce chantier prend d’ailleurs une tournure particulière après le débat sur l’Islam voulu par Nicolas Sarkozy. Ce dernier a toujours refusé que de « l’argent de l’étranger » vienne financer les mosquées afin de forger un véritable « Islam de France » débarrassé de toute influence extra-européenne. C’est souhaitable si on veut éviter que les religieux deviennent des relais politiques. Pourtant, lorsque Moscou sort le chéquier pour avoir son Eglise, on ne dit rien. A croire que les derniers partisans de la laïcité, tels des moines, respectent amplement leur vœu de silence.