Minc et Riboud font fortune malgré la crise

Publié le par DA Estérel 83

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Il en va des très grandes fortunes comme des plus grosses entreprises : elles sont imperméables à la crise. C'est ce que suggèrent deux informations publiées récemment par le site Internet d'information financière Wansquare. Ce site a d'abord révélé lundi que le conseiller occulte de Nicolas Sarkozy et de quelques grands patrons parisiens, Alain Minc, va percevoir la somme de 14,4 millions d'euros, pour moitié en œuvres d'art, pour l'autre en biens professionnels, au terme d'une opération de réduction du capital de sa société de conseil.

De son côté, le PDG de Danone, Franck Riboud, vient d'exercer des stock-options porteuses d'une plus-value latente de 3,3 millions d'euros.

Entre ces deux informations, il n'y a aucune relation. Sauf qu'elles risquent d'être perçues à bon droit par l'opinion de la même manière : si la crise a de terribles effets sur le pays et notamment pour les populations les plus modestes, il existe une caste, dans les sommets de la vie politique et de la vie des affaires, qui y est totalement insensible.

Dans son article publié ce lundi, Wansquare rappelle d'abord qu'il «avait révélé il y a quelques semaines les juteux bénéfices de la société AM Conseil créée il y a vingt ans par Alain Minc ». Et d'ajouter : « Celle-ci a affiché, l'an passé, un bénéfice net de 3,7 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 7,8 millions, réalisé principalement avec une vingtaine de grands clients parmi lesquels figurent François Pinault, Albert Frère, Marc de Lacharrière, Jean-Charles Naouri, Stéphane Courbit, Vincent Bolloré et même à nouveau, depuis un an, Gérard Mestrallet.

«Cette bonne santé financière a permis à AM Conseil de distribuer à Alain Minc un salaire estimé à 300.000 euros et un dividende de 1 million d'euros. Mais surtout, la société, qui ne consomme pas de capitaux, a fini par accumuler en l'espace de vingt ans environ 20 millions d'euros de fonds propres. C'est ce qui a conduit, selon les informations obtenues par WanSquare, Alain Minc à procéder à une réduction de capital. »

 

Et le site poursuit : « AM Conseil va donc racheter à son principal actionnaire près de la moitié des actions qu'il détient, pour un montant total estimé à 14,456 millions d'euros. La grosse différence entre cette réduction de capital et celles que l'on voit se pratiquer habituellement, c'est qu'AM Conseil ne versera rien en cash à son unique propriétaire. Il devrait recevoir, pour une somme estimée à près de 7,3 millions d'euros, la pleine propriété de l'appartement situé près du Champ-de-Mars dans lequel il réside, et pour près de 7,2 millions d'euros un ensemble de 113 œuvres d'art, parmi lesquelles les plus belles pièces sont un tableau de Basquiat, un autre de Rudolf Stingel ou un salon signé de Jean Royère

 

Ces informations ont, en fait, été recueillies aux meilleures sources : le greffe du tribunal de commerce de Paris. Voici en effet les principaux extraits du procès-verbal de l'Assemblée générale extraordinaire que la société AM Conseil a tenue le 4 novembre dernier, et qui a été enregistré par le greffe le 10 novembre (Mediapart a reproduit ci-dessous les passages les plus importants, tout en masquant les adresses des biens immobiliers): 

 

La crise est « grotesquement psychologique »

Ce document présente un fort intérêt. Il permet tout d'abord de mesurer la fortune de l'entremetteur du capitalisme parisien. En second lieu, il donne à voir la caverne d'Ali Baba que le conseiller occulte de Nicolas Sarkozy s'est au fil des ans constituée. On y trouve pêle-mêle des œuvres d'art ou des tableaux, ainsi que des meubles. Et puis des livres rares en pagaille, sans doute agrémentés des autographes célèbres – car c'est la passion d'Alain Minc.

 

Le document porte à de nombreuses reprises la mention « JC Vrain ». Traduction pour les profanes : la librairie Jean-Claude Vrain est l'une des maisons parisiennes spécialisées dans la vente de livres anciens ou avec autographes. Et à chaque fois que ce nom apparaît est mentionné le nom d'un auteur célèbre : cela va de Maurras jusqu'à Keynes en passant par Trotsky et Breton ou encore Chateaubriand. Il y a donc un petit côté balzacien dans tout cela: que faire de cet argent quand on en a autant? 

Dans le même temps, Alain Minc montre un autre aspect de lui-même. En creux, le document suggère que les deux biens immobiliers – visiblement très importants – qu'il récupère désormais en son nom propre, dont son appartement personnel, étaient jusque-là la propriété de sa société AM Conseil et étaient donc assimilés à ses biens professionnels. Il est donc vraisemblable que ces biens immobiliers échappaient jusqu'à présent à l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Le transfert de l'un de ces biens en son nom propre s'effectue, de surcroît, dans des conditions avantageuses, puisque l'AG d'AM Conseil apporte cette précision : « Le prêt souscrit auprès de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France pour l'acquisition du [bien immobilier] sus-visé restera à la charge d'AM Conseil. »

Le document révèle encore, toujours en creux, que toutes ces œuvres d'art ont été initialement financées non pas par Alain Minc lui-même, mais par sa société AM Conseil. En les récupérant, l'intéressé fait une opération d'autant plus appréciable que la plupart des œuvres d'art sont, là aussi, exonérées d'ISF.

Résultat : en mettant la main en direct sur 14,4 millions d'euros, assujettis à une fiscalité allégée, Alain Minc s'affiche parmi les grandes fortunes françaises. A titre de comparaison, le PDG du groupe Danone, Franck Riboud, qui est l'un des patrons du CAC 40 les mieux payés en France, a perçu 2,9 millions d'euros en rémunération en 2010. En clair, Alain Minc vient d'empocher d'un coup l'équivalent de cinq années de salaires du patron de Danone.

Mais il est vrai que Franck Riboud ne se contente pas de son seul salaire – si considérable soit-il. C'est ce qu'a aussi révélé Wansquare en fin de semaine dernière: « Ce dernier vient d'exercer pas moins de 212.000 stock-options du groupe qu'il dirige, sur la base d'un prix de souscription de 31,80 euros par action. Même si l'on ignore quelle sera la destination finale de ces titres et s'ils seront conservés ou cédés, cette opération permet à Franck Riboud, sur la base des derniers cours de Danone, d'afficher une plus-value latente proche de 3,3 millions d'euros (donc supérieure à son salaire annuel). »

Nous avons déjà évoqué cette information dans une chronique audio mise en ligne ce lundi. Elle est ici :

Entre ces deux informations, donc, pas de point commun. C'est juste la chronique au jour le jour du capitalisme de connivence à la française. La chronique des jours heureux que coulent, malgré ces temps de tourmente, les plus grands patrons et les oligarques de la Sarkozie. On comprend mieux pourquoi, selon Alain Minc, la crise est « grotesquement psychologique ». Pour lui, au moins, comme pour Franck Riboud, c'est vrai...

Publié dans Affaires

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