Les deux derniers gardiens de phare regagnent la terre ferme

Publié le par DA Estérel 83

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Jean-Paul Eymond, l'un des derniers gardiens du phare de Cordouan

 

Jean-Paul Eymond et Serge Andron ont remis, vendredi 29 juin, la clef de Cordouan, le plus ancien phare du pays, après trente-cinq ans de bons et loyauxservices. Avec leur départ à la retraite, la profession de gardien de phare d'Etat s'éteint.

La page a été tournée à 17 heures, lors d'une cérémonie dans ce phare édifié en pleine mer à partir de la fin du XVIe siècle, situé à 7 km des côtes de la Charente-Maritime et de la Gironde. "Gardien de phare, c'est un métier qui fait autant rêver que trembler", a souligné dans un discours Philippe Plisson, député PS de la Gironde.

En présence d'une cinquantaine de personnes, les deux derniers gardiens de phare de France ont remis une grosse et vieille clef à quatre employés du syndicat mixte pour le développement durable de l'estuaire de la Gironde, désormais chargés de l'accueil des touristes pendant la haute saison et de la surveillance du site.

DE GRANDES FENÊTRES... SANS VUE SUR L'OCÉAN

Depuis trente-cinq ans, les deux hommes passaient jusqu'à quatorze jours d'affilée dans le phare de 67,5 m de hauteur, mis en service en 1611."Je suis un peu nostalgique", reconnaît M. Andron, 61 ans, la cérémonie à peine terminée.

"Depuis un mois, je comptais les jours (...), aujourd'hui c'était le zéro, mais je n'ai pas eu le cœur de l'écrire", avoue-t-il. "Ce que j'aimais le plus c'était aller en haut, à la lanterne, observer les mouvements des bancs de sable", ajoute-t-il. "On ne quitte pas un bâtiment comme ça, sans un pincement au cœur", souffle pour sa part M. Eymond, 60 ans.

 

Le phare de Cordouan observé depuis Royan (Charente-Maritime)

 

 Après la disparition, à la fin des années 1940, de l'éclairage à la lampe à pétrole, puis l'automatisation des signaux et l'arrivée des balises de détresse, leur quotidien était ces dernières années fait de tâches de maintenance des groupes électrogènes et d'entretien du monument, assurant aussi des relevés météorologiques et de marées. Pendant leur service, les gardiens vivaient dans des chambres de 16 mètres carrés, aux grandes fenêtres sans vue sur l'océan, les zones de vie étant dans la cour.

Dans cette tour, où trois cents marches permettent d'accéder à la lanterne, ils ont traversé bien des tempêtes, y compris celle de 1999. "Quand vous voyez que tout commence à voler et que tout devient ingérable... Les paquets de mer qui commencent à frapper le phare, l'eau qui passe par les fenêtres, des bruits très lugubres... Vous priez le bon Dieu et vous attendez que cela se passe", se souvient M. Eymond.

LE PHARE SURVIVRA À LA PROFESSION

Malgré le départ des gardiens, le phare de Cordouan, le plus ancien de France, survivra à la profession. Au début des années 1980, il devait être abandonné par l'Etat et vendu, mais la mobilisation, notamment de l'association pour la sauvegarde du phare de Cordouan, a permis son maintien et sa restauration. Il reste ouvert aux visites et garde son rôle de repère pour les bateaux.

 

 

Les phares, assure le président de cette association, Jean-Marie Calbet, sont loin d'être inutiles. "Il est vrai que les bateaux peuvent se positionner avec des systèmes sophistiqués [comme le GPS], mais selon l'association internationale de signalisation maritime, l'aide visuelle est toujours nécessaire", explique-t-il. L'estuaire sera donc encore illuminé par les signaux du "roi des phares", portant à 40 km à la ronde. En cas de panne de l'éclairage, les services à terre des Phares et balises réagiront.

Les deux gardiens, eux, assurent que la mer sera toujours centrale dans leur vie. Serge Andron, issu d'une famille de marins-pêcheurs, entend bien profiter de son bateau avec ses trois petits-enfants et Jean-Paul Eymond, de sa "cabane de pêcheur"

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