Les bien-pensants flinguent Aubry? C'est bon signe

Publié le par DA Estérel 83

Marianne2Maurice Szafran - Marianne | Lundi 30 Août 2010

 

Après avoir longtemps été l'idole des autoproclamés «modernes» de gauche, après avoir été clouée au pilori par les mêmes suite à l'échec des 35 heures, Martine Aubry est aujourd'hui la femme à abattre pour ces bien-pensants du PS qui la jugent ringardent. Et si c'était ça, la vraie force de la patronne du PS?
Les bien-pensants, à l’accoutumée tout puissants dans les cénacles de la gauche bourgeoise, ont donc décidé de tout faire pour se débarrasser de Martine Aubry. Elle incarnerait, selon eux, la gauche vieillotte, la gauche ringarde, la gauche qui n’entrave rien aux exigences de la modernité, des relations sociales et du sacro-saint marché. Les bien-pensants — qui furent à une époque pas si lointaine séduits par la « modernité » (sic) de Nicolas Sarkozy — se sont entichés d’une nouvelle idole, l’excellent Dominique Strauss-Kahn. Dans leur esprit, le directeur du FMI représente à lui tout seul la gauche magique, celle qui leur convient parce qu’elle ne remet en cause aucune de leurs certitudes. Les bien-pensants n’imaginent pas un instant que Strauss-Kahn candidat sera évidemment contraint de gauchir son discours, de le socialiser, d’ouvrir ne serait-ce qu’une ébauche de dialogue avec la gauche de la gauche. Mais pour l’heure, ils n’ont qu’une seule et unique préoccupation en tête : écarter Martine Aubry.

Cette chasse à la femme est pour le moins paradoxale si l’on veut bien se souvenir qu’au début des années 90, le DSK des bien-pensants, c’était… Martine Aubry. L’idole des patrons - le modèle des hauts fonctionnaires - la synthèse entre la gauche Mitterrand et la social-démocratie façon Rocard. Voilà, à l’époque, tout ce qu’elle incarnait : Martine Aubry était admirée au Siècle, le club chic des élites, du pouvoir ; Martine Aubry était observée avec attention - et empathie - par la gauche profonde.
Il aura suffi d’une loi mal pensée, mal conçue, mal exécutée — les 35 heures, dont Marianne(pour une fois en accord avec les bien-pensants) n’a jamais cessé de contester l’opportunité — pour que l’image de Martine Aubry se retourne durablement. La moderne était cataloguée ringarde ; l’innovatrice était fichée sectaire. On l’a trouvée jadis, avant les 35 heures, d’une austérité toute delorienne, et c’était un atout, un compliment, une marque de fabrique ; voilà qu’on transformait ces prétendues qualités en autant de mauvais points.
En principe, elle n’aurait jamais dû s’en relever tant les bien-pensants ne lâchent jamais leur proie.

En principe, car l’Histoire et la politique, parfois, jouent des tours aux bien-pensants.
Quand elle a pris [en trichant, c’est un fait] le contrôle du PS après le désastreux congrès de Reims, son cas était réglé dans l’esprit des bien-pensants : Martine Aubry finirait de liquider le PS. Trop rigide, trop mémère, trop mauvais caractère pour ne serait-ce que résister à la machine Sarkozy, cette mécanique de précision à faire de la politique pour ne serait-ce qu’entraver l’irrésistible marche en avant du si séduisant Dominique Strauss-Kahn.
Une fois encore, les bien-pensants se sont égarés. Parce qu’ils sont allés très vite. Parce que, comme à l’accoutumée, ils n’ont ni écouté ni entendu les Français ; ils ont voulu ignorer leur état d’esprit. Et, précisément, cet état d’esprit correspond assez bien au profil de… Martine Aubry.
Sérieuse et revêche. Austère et provinciale. Bref, non pas anti-sarkozyste seulement, mais l’anti-Sarkozy en pied et en action. Ça peut ne pas plaire ; mais ça répond à une incontestable demande, à une exigence de morale (ah, le gros mot pour quelques bien-pensants !) révélée par tant de sondages. Au-delà de la stricte politique, d’un positionnement qui sera sans doute « plus à gauche » que celui de Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, cela ne fait pas de doute, jouera sur l’image — c’est précisément pour cela que le slogan d’une « autre France » ne manque pas d’efficacité. « L’Autre France », celle qui s’arc-boute à la République et à ses principes. Martine Aubry a bien visé.
Qu’en pensent les bien-pensants ?

Publié dans PS

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