Le choc de l'austérité, le désarroi des Espagnols

Publié le par DA Estérel 83

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Message récemment adressé par le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, à son ministre de l'économie : "Courage, l'Espagne n'est pas l'Ouganda."Sans doute. Mais ce SMS relevait de l'esquive. Il témoigne de l'angoisse qu'éprouve en ce moment l'Espagne à la perspective de subir le même sort qu'un autre pays méditerranéen : la Grèce.


Madrid a peur. A tort, pourrait-on penser. Le pays dispose, lui, d'un Etat qui fonctionne, capable de lever l'impôt, d'imposer des réformes. M. Rajoy sait que la cure d'austérité sans précédent - 65 milliards d'économies - qu'il impose à ses compatriotes sera suivie d'effets. Mais, cette semaine encore, sous le choc de ce "blitz" budgétaire, les Espagnols ont crié leur désespoir - dans la rue.


Mois après mois, l'économie s'enfonce dans la récession. Les chiffres sont souvent aussi affolants qu'à Athènes. Le chômage frappe un jeune sur deux. Depuis 2007, les faillites d'entreprises auraient bondi de 400 %.


Le pays paie pour ses années folles. Pour cette bulle immobilière aujourd'hui éclatée qui laisse une économie exsangue et une côte défigurée. La purge prendra des années. Il faut nettoyer des banques minées par 184 milliards d'euros de dettes problématiques. Il faut désendetter des ménages dont le taux d'emprunt dépasse le revenu disponible. Il faut désintoxiquer l'économie de sa dépendance à l'immobilier et à la construction, poule aux oeufs d'or de la dernière décennie, pour rebâtir une industrie diversifiée.


Alors fallait-il vraiment ajouter à cette pénitence la cure d'austérité actuelle qui, de l'avis du Prix Nobel d'économie Paul Krugman"n'a aucun sens" ?


Madrid augmente les impôts, taille dans les dépenses. Mais trop. Et mal. Là aussi, comme la Grèce. Le pays touche à l'éducation, quand son système scolaire est déjà jugé défaillant. Il gèle les investissements dans les infrastructures, réduit les dépenses dans la recherche et le développement. Autrement dit, il met en péril son avenir économique - précisément ce qu'il faut rebâtir. Les Espagnols crient au"hold-up". Ils n'ont pas tout à fait tort.


Le gouvernement conservateur est peut-être en train de faire main basse sur leuravenir. Tout ça pour rassurer des marchés qui manifestement n'y croient pas et font payer très cher à l'Espagne ses errances passées. Tout cela pour satisfaireune Europe qui demande à Madrid de s'engager sur une trajectoire de baisse des déficits sans se préoccuper des modalités.

 

 

Tout cela, enfin, pour que Berlin accepte - c'est fait depuis jeudi - de financer la recapitalisation à 100 milliards d'euros des banques ibériques menacées de faillite.

L'Europe a déjà failli en laissant l'Espagne s'enivrer dans une décennie de croissance artificielle.

 

La Banque centrale européenne avait vainement tiré le signal d'alarme : à Francfort, on se souvient d'échanges très vifs avec Madrid. L'Europe ne doit pas faire deux fois la même erreur et laisser le pays s'égarer comme pendant ses années de fiesta sous amphétamines. Il ne faut pasabandonner l'Espagne à son sort.

Publié dans Europe

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