La victoire en déchantant

Publié le par DA Estérel 83

CharenteLibre Dominique Garraud  08/11/2010

 

La bataille des retraites s'est donc provisoirement achevée comme prévu par un Nicolas Sarkozy certain de parvenir à ses fins, mais aussi par les Français convaincus massivement (70 % encore samedi) à la fois de la nécessité de se mobiliser et de l'impossibilité de faire reculer le pouvoir.

Tout le long de ce conflit de plusieurs mois, Eric Woerth est allé répétant que la réforme indispensable - tout le monde en convient - du système des retraites était menée de telle manière qu'elle ne pouvait faire «ni gagnant, ni perdant». Le ministre du Travail avait tort car, après le baroud d'honneur syndical de samedi, il y a bien des gagnants et des perdants que les apparences seules ne désignent pas.

Un raisonnement simpliste conduirait à proclamer sans coup férir le résultat suivant: les syndicats ont perdu en sortant divisés après cette huitième journée de mobilisation et Sarkozy a gagné en pariant sur leur essoufflement. Tout indique pourtant que cette victoire à la Pyrrhus est aussi une victoire en déchantant. Malgré leur défaite, les syndicats ont gagné sur les tableaux de l'opinion, de la légitimité et de la responsabilité reconnue jusque dans les rangs de la majorité. 

Le mouvement qu'ils ont initié a été de plus grande ampleur que les grèves de 1995 contre les réformes Juppé. Service minimum aidant, le pays n'a jamais été véritablement bloqué. Quant aux débordements des casseurs, exagérément amplifiés par la presse étrangère, ils n'ont été que très limités. La ligne de conduite syndicale n'a jamais varié dans la demande d'une concertation toujours évacuée. 

En face, les quelques miettes concédées à la mobilisation ont frisé l'absurde avec la clause de revoyure promise pour 2013 qui revient à avouer que la loi actuelle est loin d'être «la mère des réformes» annoncée. Mais c'est surtout l'affaiblissement politique qui résulte de cette séquence pour Nicolas Sarkozy qui est significatif.

Cible principale des manifestants alors que son Premier ministre était pratiquement épargné, le chef de l'Etat cristallise plus que jamais tous les mécontentements. Et au lieu de devenir comme prévu un viatique pour la prochaine présidentielle, la réforme des retraites s'est muée en un boulet qu'il devra trainer pendant dix-huit mois avec des risques inhérents de nouvelles secousses sociales.

 

Et la valse-hésitation autour du remaniement ministériel est un aveu supplémentaire de fébrilité de la part de Nicolas Sarkozy bien plus affaibli que ne le laisserait supposer sa victoire en trompe-l'oeil.

Publié dans Retraite

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