La procédure de destitution enfin connue... mais Sarkozy n'est pas concerné

Publié le par DA Estérel 83

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L'arme de la destitution devrait être disponible, si besoin, contre le prochain président de la République. Mercredi 16 novembre, l'UMP et le PS sont tombés grosso modo d'accord en commission des lois, à l'Assemblée nationale, sur les détails de la procédure qu'il restait à fixer. Légèrement amendé, le projet de loi du gouvernement devrait, selon son rapporteur Philippe Houillon (UMP), être soumis au vote des députés«en janvier». Enfin !

Car ce texte est attendu depuis février 2007, date de laréforme du statut pénal du chef de l'Etat. Celle-ci conférait l'immunité au président de la République (article 67), mais prévoyait comme contrepartie que l'hôte de l'Elysée puisse être «empêché» par le Parlement constitué en Haute Cour, «en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat» (article 68). Pour être applicable, cette procédure devait être précisée par une loi organique, censée venir de Matignon, mais qui n'a été présentée en conseil des ministres... qu'en décembre 2010.

 

Pire: elle s'est ensuite morfondue dans un tiroir. Si la commission des lois de l'Assemblée l'a examinée mercredi, c'est uniquement sous la pression des socialistes du Sénat, qui avaient rédigé leur propre texte depuis des mois et l'ont faitadopter mardi soir au Palais du Luxembourg, par leur toute nouvelle majorité.

Deux copies, du coup, sont désormais en concurrence. «Une course à l'échalote» ridicule aux yeux du sénateur UMP Patrice Gélard. Mais pour François Patriat (PS), l'auteur de la version sénatoriale, il s'agissait de combler au plus vite«un vide juridique extraordinaire qui organise l'irresponsabilité totale du chef de l'Etat».

 

De fait, Nicolas Sarkozy a réussi un sacré tour de passe-passe: pendant tout son mandat, il aura bénéficié du volet protecteur de la réforme de 2007 (l'immunité), sans jamais s'exposer à la menace d'un impeachment à la française. «Il a fait le tri dans la réforme constitutionnelle (sur le statut pénal du Président), pris ce qui lui convenait, écarté ce qui ne lui convenait pas!, s'est offusqué le sénateur socialiste Alain Anziani, mardi soir. De mauvais esprits, dont je ne suis pas, pourraient penser qu'il redoute une destitution...»Horripilé par ces soupçons, son collègue UMP Jean-Jacques Hyest a ironisé: «Pff, quand pourrait-elle s'appliquer? Peut-être en cas de priapisme aggravé?!»

 

Quoi qu'il en soit, la réforme devrait être adoptée par le Parlement dans les dernières semaines de sa session annuelle, fin février – les élus mettront ensuite la clef sous la porte pour se consacrer aux élections. Nicolas Sarkozy pourra, sans encourir le moindre risque, la promulguer dans la foulée: les parlementaires ne seront plus en mesure d'initier une procédure de destitution, puisqu'ils ne seront plus en session.

«Consensuel»

D'après les derniers réglages opérés mercredi matin par les députés en commission des lois, la procédure devrait être, au final, un compromis entre la version très protectrice imaginée par le gouvernement et les ambitions des sénateurs socialistes.

 

Rappelons que la Constitution avait déjà fixé quelques grandes lignes: la Haute Cour (soit la réunion de l'Assemblée nationale et du Sénat) peut voter la destitution pour se débarrasser d'un chef de l'Etat qui aurait commis un crime grave (tel un meurtre) ou manqué à ses devoirs constitutionnels (en refusant par exemple de promulguer une loi); cette Haute Cour est convoquée après le vote d'une résolution par chacune des deux chambres; toutes ces décisions sont prises à la majorité des deux tiers.

Désormais, on connaît les «détails» du processus: une résolution, pour être soumise au vote, devra d'abord être signée par un dixième de chaque assemblée (chiffrage du gouvernement); un parlementaire ne sera autorisé à dégainer qu'une fois durant son mandat (suggestion des députés socialistes); la commission d'instruction de la Haute Cour (composée d'une douzaine d'élus) ne pourra finalement pas convoquer le chef de l'Etat pour l'auditionner (malgré le souhait des sénateurs PS). 

Mercredi matin, les députés UMP ont surtout lâché le gouvernement sur un point clef: soucieux d'introduire un maximum de filtres, l'exécutif avait imaginé qu'une résolution, avant d'être soumise au vote dans l'hémicycle, devrait d'abord être examinée en commission des lois, pour «s'assurer que la proposition n'est pas dénuée de tout caractère sérieux». En clair, le gouvernement offrait un droit de veto (à la majorité simple de 50% des voix) aux membres des commissions des lois de l'Assemblée et du Sénat, avant même tout débat public dans l'hémicycle. L'argument avancé par Matignon: «Prévenir le risque de procédures dilatoires ou abusives».

 

Pour les socialistes, introduire ce verrou supplémentaire revenait à surprotéger le chef de l'Etat, à dénaturer l'esprit de la Constitution. Le rapporteur UMP du texte, Philippe Houillon, s'est finalement laissé convaincre: «Ça donnait à la seule commission des lois le pouvoir de stopper la procédure», juge-t-il.

 

Selon lui, le projet de loi ainsi remanié, qui «ne transforme pas la destitution en un outil politique, susceptible de mettre en cause le chef de l'Etat à tout bout de champ»«est assez consensuel»«On est arrivé à une identité de vue entre les groupes PS et UMP», espère Philippe Houillon. Le jour J dans l'hémicycle, «le PS devrait pouvoir voter ce texte», confirme le socialiste Jean-Jacques Urvoas. Déjà en 2007, la réforme du statut pénal du chef de l'Etat avait été adoptée en toute fin de législature, juste avant que le Parlement ne ferme. Une manie.

Publié dans Politique

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