La maladie de la mémoire courte

Publié le par DA Estérel 83

CL11112010

 

 

Va-t-on à nouveau par appât du gain jouer aux apprentis sorciers ? L'homme n'aurait-il pas plus de mémoire qu'un ruminant, pas plus de conscience qu'un concombre ?

Ce que l'on sait de la bactérie tueuse

Le principe de précaution est décidément une arme à double tranchant. L'affaire de la bactérie mortelle Eceh qui continue à mobiliser les détectives scientifiques à travers l'Europe en est une nouvelle illustration. Pour avoir voulu alerter au plus vite - et on le voit aujourd'hui sans doute beaucoup trop vite... - sur les risques à manger du concombre espagnol, puis des tomates et de la salade et enfin des germes de soja, l'Allemagne se retrouve aujourd'hui sous le feu des critiques.

Ce ne sont plus seulement les producteurs accusés et acculés qui montent au créneau au fur et à mesure que s'écroulent les accusations infondées sur la toxicité de leurs produits. Ce n'est plus simplement le Premier ministre espagnol puis ses collègues français, portugais, italiens et bataves qui réclament justice sonnante et trébuchante à Angela Merkel pour avoir jeté l'opprobre sur leur agriculture.

C'est désormais l'UE qui pique une grosse colère. Hier, après que l'Union ait signé un chèque d'indemnisation de 150 millions d'euros - ce qui ne met pas automatiquement de bonne humeur quand on sait, de surcroît, que cette somme n'est sans doute qu'un simple acompte... - le commissaire européen à la Santé a mis les pieds dans le plat. Face aux affirmations cassantes désignant tel fruit ou tel légume, face aux marches arrière et aux tâtonnements, il a accusé l'Allemagne de créer des «psychoses et des problèmes».

Ce rappel à l'ordre et au sang-froid sera-t-il entendu ? Le mal semble, malheureusement, déjà fait. Y compris en Allemagne où le catastrophisme semble décidément à l'ordre du jour. Hier, sa Fédération agricole n'hésitait pas à qualifier la situation de ses adhérents comme la «pire crise depuis Tchernobyl»...

Il reste que si on peut critiquer la précipitation, un manque de discernement dans l'application du principe de précaution ou une communication de crise déplorable, on peut facilement trouver dans les centaines de malades ou les 25 morts qu'a fait cette bactérie à ce jour l'explication à cette situation. Ce qui, du coup, fait apparaître encore plus délirant l'avis positif que vient de rendre en France le Conseil national de l'alimentation de lever l'interdiction des farines animales. Certes, en un premier temps, seul l'aquaculture serait concernée.

Mais déjà, il est prévu d'étendre cette autorisation à l'alimentation des porcs et des volailles. Oubliés les troupeaux abattus et la crise terrible des années 90 ? Oubliés les morts et la psychose ? On nous dit que l'ESB serait désormais éradiquée ? Et on murmure surtout à l'oreille des éleveurs que cette réintroduction leur ferait faire de grosses économies... Va-t-on à nouveau par appât du gain jouer aux apprentis sorciers ?

L'homme n'aurait-il pas plus de mémoire qu'un ruminant, pas plus de conscience qu'un concombre ?

 

Publié dans Société

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