L’Elysée adoube le croisé Guéant

Publié le par DA Estérel 83

Libé

 

 

 

Le chef de l’Etat a soutenu hier sans réserve le ministre et ses propos sur les «civilisations», semblant confirmer une stratégie de séduction de l’électorat FN.

 

Ceux qui espéraient une correction, au moins de vocabulaire, en seront pour leurs frais. Nicolas Sarkozy l’a confirmé hier : oui, certaines «civilisations» valent plus que d’autres.

Au côté d’Angela Merkel, devant les caméras de France 2 (lire page 18), il a soutenu sans réserve les propos «de bon sens», tenus samedi par Claude Guéant devant les militants du syndicat étudiant Uni. 

«Une civilisation, un régime, une société qui [n’accorde] pas la même place et les mêmes droits à des hommes et à des femmes, ça [n’a] pas la même valeur», a assuré le chef de l’Etat, citant son ministre, ajoutant cyniquement qu’il n’entendait «pas perdre de temps» avec une «polémique» qu’il contribue pourtant à entretenir et à prolonger.

 

«Crânes d’œuf». 

A deux mois et demi de la présidentielle, la droite fait donc savoir aux électeurs du FN qu’elle défend, elle aussi, comme Marine Le Pen, une hiérarchie des civilisations que la gauche, elle, relativiserait.

Dès dimanche, le ministre de l’Intérieur avait assuré qu’il ne regrettait«rien» de ses propos. Conformément à la ligne droitière défendue par le conseiller de l’Elysée Patrick Buisson, Guéant choisit de se placer «sur le terrain des valeurs». 

Il laisse à d’autres les savantes querelles sur les réformes nécessaires au rétablissement de la compétitivité française.«Ce n’est pas avec des débats de crânes d’œuf que l’on va gagner la présidentielle», explique-t-on dans son entourage, allusion aux récentes prestations télévisées d’Alain Juppé face à François Hollande et de François Fillon face à Martine Aubry, toutes deux jugées beaucoup trop techniques par les stratèges de la droite.

Avec la bénédiction de l’Elysée, Guéant se charge donc d’expliquer aux Français que la droite et la gauche se différencient bien plus dans leurs jugements sur la«civilisation» musulmane que dans leurs propositions pour en finir avec les déficits publics. Place Beauvau, on rappelle que l’Intérieur est «le ministère de l’ordre et des conservateurs» et qu’il est donc «tout naturel»que le rappel aux valeurs soit confié à son locataire. «Plus Guéant se droitise, plus il sera facile pour Sarkozy de se recentrer le moment venu»,indique-t-on à l’UMP.

Pour alimenter sa charge contre le «relativisme» de gauche, le ministre est abreuvé de notes sur les thèses des «bobos libéraux». Dans les études de Terra Nova, think tank proche du PS, les hommes de Guéant ont notamment déniché la «citoyenneté musulmane», un concept à leurs yeux lourd de menaces pour la «civilisation».


«Inadéquat». 

Hier encore, les gaullistes et les centristes de l’UMP ont vainement tenté de désamorcer la polémique en plaidant l’approximation sémantique. Comme Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin a estimé au micro de France Info que le mot civilisation était «inadéquat».Tout en affirmant qu’il ne doutait pas qu’il soit «un vrai républicain»,l’ancien Premier ministre a reconnu que Guéant était «meilleur ministre qu’ethnologue». 

De son côté, le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, a jugé utile de préciser que, pour lui, «toutes les civilisations sont également respectables». Tenant de la ligne droitière, le patron de l’UMP, Jean-François Copé, a pour sa part appelé ses troupes à ne pas céder au «politiquement correct». Selon lui, l’UMP doit se donner les moyens de faire comprendre aux électeurs de Marine Le Pen que la droite est mobilisée contre «les dérives intégristes», tandis que la gauche fait preuve, sur ces questions «d’un certain laisser-aller».

Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman, a invité hier Claude Guéant à dire qui était visé dans ses propos du week-end. Faussement candide, il révèle dans un courrier adressé place Beauvau que «nombre de nos concitoyens de confession musulmane se sont sentis visés par ces déclarations et […] l’ont fait savoir». 

En conséquence, il demande au ministre de l’Intérieur, chargé des Cultes, de les «rassurer en [leur] précisant le sens de [ses] propos et qu’il ne s’agissait pas de la civilisation musulmane comme certaines interprétations médiatiques l’ont clairement laissé entendre». 

Cette mise au point, Mohammed Moussaoui a peu de chance de l’obtenir avant la présidentielle.

Publié dans UMP

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