Il y a bien assez de médecins (mais on fait n’importe quoi)

Publié le par DA Estérel 83

Rue89

 

 

 

La récente recommandation de Michel Legmann, l’impopulaire président du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), d’obliger les jeunes médecins à passer au moins cinq ans dans la région dans laquelle ils ont effectué leurs études pour lutter contre les déserts médicaux a fait l’effet d’une bombe dans la communauté des professionnels de santé.

Michel Legmann illustre surtout cette impérieuse nécessité qu’ont les organisations corporatistes à proposer de mauvaises solutions, ou des solutions inadaptées, en n’abordant un problème que par le bout de (leur) lorgnette. Le problème – chronique de la « démographie médicale » semble se définir par les médecins tentant d’y trouver des solutions, comme un problème de manque de médecins. En fait, si l’on est plus rigoureux dans l’approche, c’est un problème de régulation de l’offre de soins.

Problème de temps de travail

Il y a un réel problème d’accès aux soins, cependant il ne trouve pas son origine dans le manque de médecins disponibles, mais plutôt dans la manière dont on exploite leur temps de travail disponible. Illustration.

  • Pathologies mineures et renouvellement d’ordonnance :

En France, la chasse gardée des médecins généralistes. En fait, on ne sait pas bien si elle est vraiment gardée par ces médecins généralistes, exsangues, travaillant beaucoup plus que de raison, ou si elle est gardée par les « penseurs » du CNOM qui croient défendre la cause des médecins en défendant un monopole obsolète et inadapté des actes médicaux (toutes ressemblances avec le Conseil national de l’ordre des pharmaciens n’est pas fortuite).

Dans de nombreux pays, dont le Canada et le Royaume-Uni, les pharmaciens renouvellent des ordonnances et prescrivent des médicaments pour des pathologies mineures.

  • Prescriptions de verres correcteurs :

En France, l’interminable attente pour un rendez-vous chez un ophtalmologue – au cas où on couverait un glaucome à 25 ans sans antécédents familiaux. On ne sait jamais. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’à faire passer tout le monde chez l’ophtalmologue pour « une visite annuelle » ou une prescription de verres correcteurs, les ophtalmologues ont moins de temps pour les vraies consultations médicales qui justifient leur expertise.

Au Royaume-Uni, ce sont des opticiens qui vérifient la tension oculaire, s’assurent du profil de risque des patients, les adressent chez un ophtalmologue si besoin, et prescrivent les verres si une consultation d’ophtalmologue n’est pas nécessaire.

  • Frottis cervicaux :

Le calvaire pour trouver un gynécologue Les frottis cervicaux, avec la pilule contraceptive, motivent beaucoup de visites « inutiles » chez les gynécologues.

Les médecins généralistes sont parfaitement à même de pouvoir réaliser ses actes ; au Royaume-Uni, ce sont des infirmières qui en sont responsables.

Changer la prise en charge d’un patient

Traditionnellement en France, l’offre de soins s’est concentrée dans les mains des médecins ; les professions pharmaceutiques et paramédicales étant reléguées en arrière-plan, comme des auxiliaires de santé dont le cœur de métier ne pourrait être que de recevoir des ordres d’un médecin. C’est pourtant une erreur de penser que chaque problème de santé requiert une expertise médicale.

La seule véritable réforme viable et économiquement supportable pour pallier le manque d’abondance (et non la pénurie) de médecins, est de reconsidérer le rôle et la responsabilité de chacun des acteurs de la chaîne de soins en adoptant une approche holistique de la prise en charge d’un patient et de sa maladie.

S’il parait ambitieux d’attendre des représentants ordinaux et syndicaux des médecins et des pharmaciens des recommandations objectives visant à améliorer l’efficience de la prise en charge des patients en France, il parait raisonnable et important de l’attendre de notre nouveau ministère de la Santé. Valoriser, responsabiliser et positionner les professions paramédicales et pharmaceutiques dans le parcours de soin du patient pour rééquilibrer la démographie médicale au sens large.

Publié dans Santé

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article