Encore plus d'austérité pour la Grèce: le déni européen

Publié le par DA Estérel 83

 

 

 

 

Après des semaines de discussions et une mission exhaustive menée conjointement par l'Union européenne, la Banque centrale européenne et le FMI sur l'état de la Grèce, le verdict est finalement tombé vendredi. La solution imaginée par les experts européens pour sortir de la crise grecque est sans surprise : l'austérité, toujours plus d'austérité.

 

Le remède a été sans effet sur le malade. Pire, il aggrave le mal. Qu'importe! Il convient de doubler la dose. Tels les docteurs de Molière, les responsables européens ont choisi à nouveau le déni de réalité. Plutôt que de faire le constat que l'Europe fait fausse route depuis le début dans sa gestion de la crise de la zone euro, elle préfère s'enferrer, par idéologie, dans ses certitudes.

 

La Grèce étant dans l'incapacité de se financer sur les marchés à partir de 2012, comme il était prévu dans le premier plan de sauvetage, un nouveau prêt conjoint de l'Union européenne et du FMI va lui être consenti pour lui permettre de patienter jusqu'en 2014. En contrepartie de ces 60 milliards d'euros venant s'ajouter aux 110 milliards d'euros déjà accordés, les créanciers ont posé leurs conditions.

Le gouvernement grec doit s'engager à réaliser des coupes budgétaires encore plus sévères : au moins 6,4 milliards d'euros en 2011 et 22 milliards d'ici à 2015. L'objectif fixé à la Grèce est d'avoir un déficit budgétaire inférieur à 1% (sic) d'ici à 2015.

 

Les moyens pour obtenir ces résultats sont connus : nouvelles augmentations des taxes, réduction du nombre de fonctionnaires, nouvelles coupes salariales, qui vont immanquablement toucher aussi le privé. Est-ce par volonté de respecter la souveraineté nationale grecque, les experts ne parlent pas de coupes dans l'immense budget militaire grec (plus de 4% du PIB). Il est vrai que les industriels français et allemands ont signé pour plus de 2,5 milliards d'euros de contrats ces dernières années et ne veulent pas en être privés. Une façon de faire de la France et de l'Allemagne des créanciers privilégiés.

 

En parallèle, un vaste programme de privatisation est prévu. L'Europe exige au moins 50 milliards d'euros de cession d'actifs. Le responsable du FMI pour l'Europe évoque même la somme de 300 milliards d'euros! Téléphone, eau, électricité, autoroutes, ports, jeux : tout ce qui a de la valeur doit être vendu. Ce qui, au passage, fera autant de recettes en moins pour le budget national. Mais cela ne semble pas préoccuper outre mesure les dirigeants européens. L'important est que les créanciers soient remboursés. Et pour s'assurer de la bonne réalisation de ce programme, la vente de tous ces actifs devrait être placée sous la surveillance, si ce n'est sous la responsabilité, d'experts étrangers.

 

Vers un nouvel échec

Les dirigeants européens souhaitent l'instauration d'un tel dispositif, car ils soupçonnent les Grecs de mettre de la mauvaise volonté dans l'exécution du programme de redressement. Si le premier plan a échoué, selon eux, c'est que la Grèce n'a pas fait ce qu'il fallait. Mais qu'attendre d'un pays de tricheurs, de fainéants, comme n'ont pas manqué de le souligner plusieurs pays européens ?

 

Que diront-ils quand il faudra tirer le même constat d'échec pour l'Irlande? Que les Irlandais sont aussi des incapables? Dublin est en train de reconnaître à demi-mots que rien ne se déroule comme prévu. Le pays est toujours banni des marchés qui lui imposent des taux à plus de 11%. La récession perdure, le chômage enfle. Les aides accordées aux banques sont insuffisantes et il faudrait ajouter au moins 30 milliards d'euros. L'endettement du pays, qui devait s'élever à 95% du PIB à la fin de l'année, selon les schémas retenus, est en train de filer vers 120%. Bref, c'est une vraie réussite aussi à Dublin.

 

Les nouveaux remèdes proposés à la Grèce vont conduire à la même situation: l'échec. Car il ne s'agit pas, comme s'entête à le dire l'Europe, d'une crise passagère de liquidités, où il faut aider un pays le temps qu'il retrouve le chemin des marchés mais d'une crise de solvabilité, de faiblesses structurelles de l'économie. Ce qui demande du temps, des aides, des aménagements, surtout quand un pays a perdu sa souveraineté monétaire et ne peut pas dévaluer puisqu'il appartient à la zone euro. Mais admettre ce constat obligerait à demander des sacrifices aux banques, aux créanciers, aux rentiers.

 

Cette voie a d'emblée été écartée par les dirigeants européens. « La restructuration n'est pas une solution », ont réaffirmé tour à tour les principaux responsables de la zone euro. La BCE a mis tout son poids pour écarter cette possibilité: la restructuration de 300 milliards de dettes, correspondant à 2% de l'économie européenne, risquerait d'engendrer une crise systémique, selon elle. Il n'y aura donc pas de renégociation de l'endettement pour la Grèce, comme beaucoup d'observateurs, y compris financiers, le recommandaient.

 

Au lieu d'alléger la charge, l'Europe a choisi au contraire d'augmenter la dette de la Grèce. De 150% du PIB, un niveau déjà jugé insoutenable, l'endettement, avec les nouveaux crédits consentis, pourrait passer à 170 % du PIB voire beaucoup plus. Dans une économie promise à la récession pendant encore des mois, peut-être des années, ce fardeau est insupportable. Il ne peut conduire qu'à des catastrophes en Grèce comme dans l'ensemble de l'Europe. L'explosion de la Grèce, de l'euro n'est plus une hypothèse d'école.

Publié dans Etranger

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