Comment la Sarkozie a entraîné les pleins pouvoirs de la gauche

Publié le par DA Estérel 83

Justice au singulie  Philippe Bilger par 

 

 

La boucle est bouclée. De la droite la plus remarquable en 2007 parce qu'elle avait su s'enrichir de principes et de concepts qui dépassaient son champ strict, on est passé, le 17 juin 2012, à sa déroute totale – en dépit d'un nombre appréciable de députés UMP – mais, surtout, à la victoire absolue de la gauche qui, grâce à la démocratie, s'est emparée de tous les pouvoirs, de la France d'en haut à la France d'en bas. 

Le constat est clair, éclatant, accablant. Ce qui m'importe n'est pas de remuer le couteau dans la plaie, la lucidité dans le désastre, mais de montrer que l'engrenage ne date pas du succès de François Hollande. Le quinquennat de Nicolas Sarkozy et sa suite immédiate, la droite puis ses revers constituent en effet un bloc, une solidarité du pire à partir desquels il convient de procéder à l'analyse. Rien ne serait plus incohérent que de dissocier hier d'aujourd'hui. Je prétends que la responsabilité essentielle de cette déconfiture grave en 2012 incombe à Nicolas Sarkozy et à ceux qui n'ont cessé d'approuver, de valider le dévoiement éthique et politique d'un mandat présidentiel qui a directement conduit, par répulsion, au triomphe de la cause adverse. 

Nicolas Sarkozy et son cercle inconditionnel et aveugle ont consciencieusement dégradé la droite exceptionnelle d'intelligence et d'éthique au moins promise en sabotant sans vergogne la force et la valeur du terreau qui avait suscité l'enthousiasme collectif de 2007. Les principes qui avaient fondé et permis l'adhésion à droite ont été méthodiquement balayés avec une désinvolture et un cynisme qui manifestaient comme la conquête avait été tout et l'accomplissement rien. 

Quelle pouvait être l'attitude la plus civique devant des dérives aussi continûment assumées ? Se taire, attendre patiemment, espérer une réélection et une renaissance, confier son nouveau destin à ceux-là mêmes qui durant cinq ans n'ont pas dit un mot, eu un geste, manifesté une opposition pour remettre la République dans la rectitude et l'intégrité, le président dans la normalité et la France dans l'estime internationale ? Bêtement se faire accroire que les lendemains chanteront et qu'on pourra avec la même droite qui s'est défigurée, qui a failli et renié ce qui la rendait à la fois honorable et compétente, se colleter avec un avenir acceptable ? La perversion consentie hier susciterait par miracle, avec l'ensemble de ces personnalités pas gênées le moins du monde par leur aplomb au coeur de cette déconfiture, la dignité de demain ? La droite de 2007, avant que Nicolas Sarkozy la brise, pourrait réapparaître ? 

Aussi absurde et naïve que soit une telle position, je suis persuadé qu'avec le degré d'aveuglement du citoyen et la volupté de l'encasernement pour beaucoup, elle n'a pas été minoritaire dans l'esprit public. Devant le pire on fait silence et on se murmure, pour se consoler, que les autres ne feront pas mieux ou que dans le passé ils ont fauté de la même manière. Pour ma part – je n'ai pas été le seul –, trahi par ce quinquennat et sans aucune confiance pour les complices de ce mandat présidentiel, de la pratique de l'Etat au délitement de l'Etat de droit, je n'ai envisagé que le parti de soutenir et de favoriser une personnalité républicaine et, de fait, une gauche dont j'espère qu'elle satisfera, au-delà du plan économique et financier, ce que la droite de 2007 s'était engagée à mettre en œuvre sans malheureusement le tenter un seul instant. 

François Hollande, pour une part de la communauté nationale, a convaincu sur ce qu'il est, pas sur la globalité de ce qu'il pense et propose. Ce n'est pas sa faute, ce n'est pas la nôtre si, par une réaction légitime, il a recueilli un assentiment sans pureté socialiste ni idéologie du progressisme pour le progressisme. C'est la droite banalisée et dégradée de ces cinq dernières années qui a incité ceux qui rêvaient d'une autre droite – qu'on leur avait promise – à faire ce saut dont il ne faut pas exagérer l'importance. Elle est beaucoup moins technique que morale et culturelle, beaucoup plus républicaine que politique, elle ne nous fera pas passer du jour à la nuit mais de l'insupportable parfois à, je le présume, du convenable et du décent toujours. En 2007, la lune nous était offerte par la magie du verbe et l'enchantement des espérances. La réalité nous a meurtris. En 2012, un monde meilleur seulement nous est annoncé : pourquoi pas ? Les paradis, qu'on ne nous les fasse pas miroiter s'il ne s'agit que de nous ferrer, naïfs ou imbéciles ! 

En tout cas, j'ai trop entendu durant le mandat de Nicolas Sarkozy puis lors de la campagne présidentielle, enfin avec l'élection de François Hollande et les législatives, le ton comminatoire de ceux qui venaient reprocher aux conditionnels du président, aux lucides, aux modérés, aux critiques, aux décents et aux adversaires leurs réserves, leur retenue, leur hostilité, leur indignation aujourd'hui tellement légitimées pour admettre, fût-ce du bout de l'esprit, de rendre des comptes à cause de ces ruines de la droite et de cette apothéose de la gauche socialiste. Dans un camp politique bien ordonné, ils auraient, eux, à s'accabler en compagnie des affidés complaisants du président. Ceux-ci, on les voit, on continuera à les voir, ils ont toujours le verbe haut. Et pourtant ! 

Le Front national a réussi à faire élire deux députés, la très jeune Marion Maréchal - Le Pen et le roué et très brillant Gilbert Collard. Cette faible et scandaleuse, à cause du scrutin majoritaire, représentation parlementaire – qu'on songe au score présidentiel d'EELV – est tout de même la bienvenue. A l'extérieur, le FN cumulait les avantages : l'aura de la dissidence et l'apparence de la rationalité politique. A l'Assemblée nationale, il perdra la première et devra amplifier la seconde. 

Je n'en suis que plus à l'aise pour souligner l'élément décisif qui a constitué la structure favorable à ce succès législatif. Il s'agit moins des mesures elles-mêmes reprises, dans le vivier FN, par le candidat sortant lors de sa déplorable et démagogique fin de campagne que de l'atmosphère bienveillante qu'il a créée autour ce parti avec une démarche qui allait ostensiblement à sa rencontre – pas seulement à celle de ses électeurs mais à celle impudente, imprudente, suicidaire de ceux qui les inspiraient. Le débat qui a suivi sur la porosité entre l'UMP et le FN, les valeurs communes ou non était d'une part inévitable, et d'autre part n'avait rien de honteux. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que les législatives auraient eu sur ce plan un résultat très différent si Nicolas Sarkozy avait été un candidat digne et pas prêt à tout. 

Les ruines à droite et la victoire à gauche : les premières ont engendré la seconde. Le, les responsables des premières, plus même que François Hollande, ont été les initiateurs de la seconde. C'est pour quitter un univers qu'on a rejoint un autre monde. Celui-ci un havre de République quand celui-là nous avait, jour après jour, déçus ! 
Nicolas Sarkozy et toute la troupe de vos partisans vrais ou prétendus, qu'avez-vous fait de la droite de 2007 qui est devenue la droite en loques d'aujourd'hui ? 

La gauche a tous les pouvoirs à cause de vous.

Publié dans Billet

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