Bettencourt: le juge Gentil creuse la piste Sarkozy

Publié le par DA Estérel 83

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Mis en examen et placé en détention provisoire depuis le 23 mars, Patrice de Maistre, l’ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, était interrogé par le juge d’instruction Jean-Michel Gentil, ce 10 mai depuis le début de matinée, au tribunal de grande instance de Bordeaux. Selon des sources proches du dossier, Patrice de Maistre devait notamment être questionné sur les quatre millions d’euros retirés des comptes suisses des Bettencourt entre 2007 et 2009. C’est-à-dire pendant qu’il était censé défendre les intérêts de la famille, et à une époque particulièrement critique. Malade, André Bettencourt est décédé en novembre 2007, et son épouse Liliane, pas encore mise sous tutelle, était déjà intellectuellement diminuée.

P. de MaistreP. de Maistre

En outre, selon les résultats d’une commission rogatoire internationale, il apparaît que deux retraits d’espèces de 400 000 euros chacun ont eu lieu en pleine campagne présidentielle, à des dates plus que troublantes au regard des indices déjà récoltés par la justice.

Ainsi, un premier retrait a eu lieu le 5 février 2007, deux jours avant un rendez-vous entre Patrice de Maistre et un autre mis en examen du dossier, Eric Woerth, ancien trésorier de la campagne présidentielle de M. Sarkozy.

Les investigations bancaires en Suisse ont permis d’établir qu’un deuxième retrait avait eu lieu en Suisse le 26 avril 2007, entre les deux tours de l’élection présidentielle.

Dans son « ordonnance » du 22 mars, le juge Gentil souligne que, le même jour, dans son journal intime révélé par Mediapart en juin 2010, le photographe François-Marie Banier, alors proche des Bettencourt, rapportait des propos tenus devant lui par Liliane Bettencourt : « De Maistre m’a dit que Sarkozy avait encore demandé de l’argent. J’ai dit oui. »

Eric et Florence WoerthEric et Florence Woerth

Par ailleurs, selon des informations obtenues par Mediapart, le juge aurait découvert un indice semblant indiquer une visite express de Nicolas Sarkozy chez les Bettencourt entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2007. Sur l’agenda de la maison Bettencourt, avait déjà été retrouvée la mention d'un « monsieur Nicolas S. », à la date du samedi 24 février, soit à deux mois du premier tour.

« Le juge Gentil a beaucoup travaillé sur la piste du financement politique. Des éléments solides indiquent que des fonds ont dû être remis à Eric Woerth, mais pour l’instant il n’y a aucune preuve concernant Nicolas Sarkozy », confie une source proche du dossier. « Sauf à penser, comme certaines mauvaises langues, que le candidat est passé remercier les Bettencourt. »

De nouveaux rebondissements à attendre

Mis en examen début février pour “trafic d'influence passif” et pour “recel”, l’ancien trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, Eric Woerth, proteste farouchement de son innocence. L’avenir du volet politique du dossier repose donc sur les déclarations que pourrait faire son ami Patrice de Maistre, qu'Eric Woerth avait décoré de la Légion d’honneur en janvier 2008 après que celui-ci eut embauché Florence Woerth, son épouse (en novembre 2007).

N. SarkozyN. Sarkozy

Interrogé à trois reprises par les juges français, l’avocat genevois René Merckt, qui gérait les comptes suisses de la famille Bettencourt, a déclaré que les ordres de retrait litigieux – réalisés par le biais d’un système de compensation entre Genève et Paris – provenaient tous de Patrice de Maistre. Un témoignage qu’il a précisé la semaine dernière, en ajoutant qu’il n’y avait jamais eu de retraits de ce type avant l’arrivée de Patrice de Maistre – comme le relate RTL ce 10 mai.

Outre le financement politique, Patrice de Maistre est également soupçonné par le juge d’avoir gardé une partie des fonds retirés de Suisse pour son usage personnel. Sur les enregistrements réalisés par le majordome de Liliane Bettencourt – puis révélés par Mediapart –, il apparaît que le gestionnaire de fortune souhaitait demander discrètement un million d’euros à la femme la plus riche de France, pour s’acheter un nouveau voilier.

Considérant qu’il existait des risques de concertation et de pression sur certains témoins, le juge d’instruction et les magistrats de la cour d’appel de Bordeaux ont, ces dernières semaines, déjà rejeté à plusieurs reprises les demandes de mise en liberté déposées par les avocats de Patrice de Maistre (Jacqueline Laffont, Pierre Haïk et Christophe Cariou-Martin). Mercredi 9 mai, dans un communiqué, ceux-ci ont déclaré que leur client attendait « avec impatience » sa comparution dans le cabinet du juge d’instruction.

L. BettencourtL. Bettencourt

Par ailleurs, selon le Canard enchaînédu 9 mai, l’épouse de Patrice de Maistre a essayé de lui remettre un téléphone portable en détention, qui a été découvert par les surveillants. Averti, le juge Gentil aurait réagi en suspendant le permis de visite accordé à Anne de Maistre.

Les investigations vont également bon train dans le volet non politique de l’affaire. Après avoir saisi récemment une partie des biens donnés au photographe François-Marie Banier, le juge Gentil devrait – selon des sources proches de l'enquête – s’intéresser prochainement au rôle des anciens avocats et du notaire de Liliane Bettencourt, ainsi qu’au placement litigieux de 143 millions d'euros qu’elle a réalisé dans la société LGI de l’homme d'affaires Stéphane Courbit.

Publié dans Affaires

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